Diapason

Les douze royaumes d’Igor Stravinsky

L’Oiseau de feu

Naissance d’un génie (1909-1910)

« Enfin voici une œuvre absolument belle, entièrement neuve et hautement significative », commente le compositeur Alfred Bruneau au lendemain de la « générale ». Créé par les Ballets russes de Serge de Diaghilev à l’Opéra de Paris le 25 juin 1910 sur une chorégraphie de Michel Fokine et sous la direction – excellente, selon le compositeur – de Gabriel Pierné, L’Oiseau de feu enthousiasme aussi bien le public que les musiciens de l’avant-garde parisienne (Debussy, Ravel, Schmitt, Falla). « J’ignorais mes forces », avoue, un peu effaré par cet accueil, l’auteur de la partition – quarante-cinq minutes d’une musique étincelante, mystérieuse, où la maîtrise orchestrale s’affirme avec une vigueur prodigieuse. Troisième fils d’un célèbre baryton-basse du Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg, issu de l’ancienne noblesse polonaise russifiée au début du XIX e siècle, Igor Stravinsky, né le 17 juin 1882 à Oranienbaum, est d’abord l’élève à titre privé de Rimski-Korsakov. Il achève ses études de droit et épouse en 1906 sa cousine Catherine Nossenko (ils auront deux fils et deux filles). Nullement précoce, il approfondit son art avec une stupéfiante rapidité. Deux pages orchestrales, Scherzo fantastique et Feu d’artifice, ont incité en 1909 Diaghilev à lui commander un grand ballet.

Coup d’essai, L’Oiseau de feu est un coup de maître. Tiré d’un conte russe, l’argument oppose l’univers maléfique du magicien Kachtcheï et l’univers bénéfique de l’Oiseau, auxquels s’affronte Ivan Tsarévitch, le héros qui vaincra les forces du mal secondé par le volatile. Comme dans ses futurs ballets, Stravinsky fait miraculeusement coexister le côté fonctionnel, chorégraphique, et l’autonomie d’une musique dont le succès au concert prouve à quel degré elle dépasse l’aspect illustratif. Instrumentation synthétique et fondue, doublures, harmonie saturée, cordes divisées plus postromantiques encore qu’impressionnistes, primauté de la couleur sur la ligne : cette musique, comme celle de Zvezdolikiy (Le Roi des étoiles, 1911, brève cantate dédiée à Debussy), suit un chemin que Stravinsky abandonnera presque aussitôt. Gardons-nous cependant d’exagérer la dépendance du jeune compositeur envers ses aînés Rimski, Debussy, Dukas, Scriabine ou Ravel. Son énergie rythmique et dramatique, la construction si particulière de ses phrases, sa propension à convertir un langage hérité en un objet hautement personnel, déjà, n’appartiennent qu’à lui.

EN DISQUES

Orchestre New Philharmonia, Ernest Ansermet. Decca, 1968.

Ultime enregistrement du ballet intégral par un chef qui y a toujours excellé, cette version (accompagnée d’extraits de répétitions) est un modèle du vrai style stravinskien. Précis, flamboyant, Ansermet équilibre la double nature, chorégraphique et symphonique, de l’œuvre, alors que d’autres références privilégient tantôt l’aspect narratif – Dorati/Symphonique de Londres (Mercury), Stravinsky/Columbia Symphony (Sony) –, tantôt la continuité dramatique, la violence et l’exubérance des couleurs – Boulez/New York (Sony), Boulez/Chicago (DG), Dohnanyi/ Philharmonie tchèque (Praga). Pour la Suite d’orchestre (1919), Boulez/BBC (Sony) demeure inégalé.

Pétrouchka

La fête éclatée (1911)

Devenu compositeur attitré des Ballets russes après le succès de , voici le jeune Igor Stravinsky sorti de sa chrysalide postromantique et lancé sur la scène internationale. L’été suivant, il rencontre entre autres Puccini, Casella, Proust, Claudel, Giraudoux. En 1911, d’abord en Suisse et sur la Riviera française puis à Saint-Pétersbourg et en Italie, germe , « scènes burlesques en quatre tableaux », né d’un projet de où le piano, tel un pantin déchaîné, impatiente portera au contraire à son apogée), l’œuvre se révèle insolente et novatrice.

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