Les artisans de la passion

ILS SONT SI NOMBREUX, les artisans de notre passion, que nous reviendrons sur ce thème peut-être pas dans le prochain numéro ni même dans le suivant mais promis, le sujet n’est pas clos. Nous en sommes convaincus, c’est la diversité de caractères, de formes, de tailles et de matières de vos bateaux qui constitue l’âme de notre passion commune, la voile. Aux oubliés attristés, comprenez qu’il a bien fallu se résoudre à choisir, la liste était si longue… Il aurait en effet fallu parler de Pabouk, Stagnol, du Guip, de Raba, Hervé, Bernard, Astus et tant d’autres. Nous nous plaisons donc à imaginer que ces rendez-vous manqués ne sont que partie remise. Un temps qui permettra à de nouveaux projets, à de nouveaux bijoux de prendre forme avant de nourrir nos rêves d’escapades côtières ou de grand large. On se plaît même à espérer que d’ici là, de nouvelles vocations naîtront et qu’à l’instar de tous les personnages présentés dans cet article, un nouvel esthète de la matière nous prouvera avec brio que ce que l’on nomme industrie nautique reste avant tout un artisanat, parfois même un art. L’art de sculpter une matière naturelle ou composite, l’art de tracer une ligne qui soit douce au regard tout en offrant un abri confortable, l’art de se fondre dans l’élément liquide et de s’allier avec le vent. L’art enfin de placer le curseur à équidistance entre passion et raison. Car soyons réalistes: tous ne font pas de l’art pour l’art. Leurs unités, qu’elles jouent la carte du charme ou de la performance, ont toutes pour ambition la conquête de nouvelles rives, de nouveaux plans d’eau. Au-delà de l’atelier, pour donner à rêver et séduire de nouveaux coeurs.

CHANTIER DES ILEAUX

NOIRMOUTIER DANS LA PEAU

Depuis 2002, Noirmoutier-en-l’Ile

Fondateur et dirigeant: Frédéric Maingret

Matériaux de prédilection: le bois et le composite

, c’est le centre de gravité de tous les passionnés de bateau bois – Noirmoutier n’en manque pas –, un pôle d’excellence en charpenterie de marine, un lieu d’apprentissage et de transmission, bref, une institution. Fred Maingret, son créateur et patron, en est conscient. On peut même supposer qu’il en est fier, même s’il le montre peu. Mais on comprend, à l’entendre, que porter et transmettre la passion du bateau bois est aussi une sacrée charge, surtout quand on entend créer des bateaux originaux et modernes à leur façon, plutôt que de se cantonner aux restaurations… Cette activité de construction haut de gamme et atypique est la singularité du Chantier des Ileaux. Elle est née de la rencontre de Frédéric avec Alexandre Genoud, à l’époque où cet excellent charpentier suisse construisait le Titango, puis d’autres plans Paolo Bua. Alexandre a rejoint Frédéric aux Ileaux, et les projets nés sur la planche à dessins de Paolo Bua se succèdent: Legerro, Super Legerro, Rosso 28, Polar Bear… Les bateaux sont magnifiques, finis à la peau de chamois, très rapides… et chers, évidemment, mais les passionnés qui peuvent se les offrir savent qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs de telles machines. Avec le Rosso 35, en finition lors de notre visite, Fred a vu plus grand et passe pour la première fois en catégorie croiseur, avec les systèmes complexes que cela suppose – d’autant que le propriétaire a opté pour une motorisation électrique in board. On ne va pas se mentir, l’équipe du chantier s’est mis une grosse pression! Mais le bateau est sublime, et son papa légitimement fier. Fier également de transmettre les savoir-faire qui se cultivent ici, lui qui a appris aux Atelier de l’Enfer, à Douarnenez. Les Ileaux, un Smack de l’Essex de 1842 réputé être le treizième plus vieux bateau du monde, et le plus ancien immatriculé en France. De l’autre côté de la route, dans l’ancien salorge (séchoir à sel) devenue hangar à bateaux géant, hivernent de prestigieux métriques, le plus vieux Dragon du monde, une Aile de 1926, L6, le 8 m JI sur lequel Virginie Herriot remporta la médaille d’Or des JO de 1928… Un véritable musée du yachting où dorment des merveilles parmi d’autres coques moins prestigieuses mais tout autant soignées par Frédéric et ses équipes. Parce que la passion, c’est sacré!