Highway to Hell
Il est 10 heures un mardi matin et Zarifa Ghafari est en retard au travail.
SIX JOURS PAR SEMAINE, elle fait le trajet entre son domicile, à Kaboul, et Maydan Shahr, capitale en guerre de la province de Wardak, dont elle est maire – la plus jeune du pays. Son bureau est à 48 km au sudouest de la capitale afghane, mais pour s’y rendre, elle doit emprunter la National Highway 1, énorme autoroute construite par les Américains, considérée un temps comme le “signe le plus visible” que ces derniers voulaient rebâtir le pays après des décennies de guerre. Achevée depuis dix-sept ans, c’est un symbole éclatant des échecs américains, émaillée de cratères de bombes et sous l’attaque constante des talibans. “À chaque fois que je pars de chez moi, je pense que ce trajet sera le dernier”, commente Ghafari.
Dans la périphérie de Kaboul, nous contournons un pont récemment effondré. L’asphalte commence à se désagréger et les quatre files de véhicules manoeuvrent vite pour se placer sur ce qui reste de l’autoroute à deux voies. Le SUV blindé de Ghafari s’arrête brusquement, coincé par des camions d’un côté et des voitures de l’autre. Son chauffeur bondit, AK-47 à l’épaule, pour libérer le passage, laissant la maire sans protection. “Les talibans aiment se cacher et attaquer depuis les arbres ou les maisons, explique-t-elle. Tout peut arriver ici.”
Depuis qu’elle est l’une des premières maires en Afghanistan, Ghafari a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, dont une en mars, lorsque des tireurs ont visé sa voiture à Kaboul, ratant de peu la tête de son fiancé. Après des mois de requêtes vaines, le gouvernement lui a fourni un véhicule blindé. “Si les talibans en ont l’occasion, ils me tueront, rappelle-t-elle. Je suis sur leur liste noire.”
Mince et calme, portant un foulard bleu nuit et de grosses lunettes, Ghafari n’a que 27 ans. Enfant, elle a fréquenté une école secrète pour filles. Dans
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