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Derniers jours à Marseille

La veille du premier tour des élections municipales, aux prémices d’un confinement qui ne dit pas encore son nom, les restaurants ont fermé. Et, dans la nuit, la mairie de Marseille a été victime d’un autre virus. Il est 10 h 30, dimanche 15mars, quand Jean-Claude Gaudin sonde le conseiller placé à sa gauche : « Comment vous dites déjà ? » L’autre lui souffle un mot à l’oreille. « Oui, voilà, une attaque technologique massive. » Il ne manquait plus que ça. Planté dans le soleil d’une cour d’école, corps immense dans un costume marine, le maire de Marseille est fatigué, las même. Mais, dans un dernier sursaut essoufflé, il trouve la force pour dire combien cette campagne a été « minable, odiiiieuse, méchante d’une manière ahurissante ». C’est la voix sombre de Gaudin qui résonne. Pas celle que tout Marseillais qui l’a déjà croisé connaît par cœur, cet air chantant qui demande : « Comment allez-vous ? » Ce jour-là, il ne s’efforce même pas de sourire aux photographes venus immortaliser son dernier tour de piste. En passant la porte, il a cette phrase qui cogne : « Qu’on en finisse avec ces élections ! » À l’intérieur du bureau de vote, il ne prend pas la peine de tirer le rideau de l’isoloir, fait tomber sa carte d’identité sur le sol et, devant l’urne, laisse échapper ce cœur qui n’y est pas : « Ça me fait drôle quand même. Jusqu’ici, je venais voter pour moi. »

Ainsi donc, devant une poignée d’assesseurs, s’achèvent officiellement vingt-cinq années de règne dans la deuxième ville de France. La fin d’un édile de l’ancienne roche, le genre à savoir précisément qui vote pour lui dans une cité de 870 000 habitants. Le seul à vous donner l’impression, en vous serrant la main, de vous avoir connu à la maternité. L’un des rares, enfin, à ne jamais rien laisser échapper de sa vie privée, à la manière de François Mitterrand. Même l’immense Gérard Depardieu, qui a joué son rôle dans la série Marseille de Netflix, n’a pas vraiment réussi à incarner le personnage. Sans doute parce que Gaudin vient d’un monde disparu, où reposent déjà Georges Frêche et Charles Pasqua.

Son dernier mandat ne s’achève pourtant pas ce matin de mars. Deux jours plus tard, en pleine épidémie de Covid-19, le pays est confiné, le second tour des municipales reporté et Gaudin doit rester maire. À cette heure-là, on ne sait pas encore pour combien de temps. Autour de lui, une partie de la droite marseillaise est touchée par le virus, de la candidate LR à la mairie Martine Vassal à l’ineffable députée Valérie Boyer. La menace est proche et son camp a peur. À son âge, Jean-Claude Gaudin affiche un poids, un diabète et une résistance à la maladie

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