Les infiltrés
Correspondante Berlin (Allemagne)
Tino Schneegass a la quarantaine sportive. Petite boucle à l’oreille, fines lunettes, une légère calvitie qu’il dissimule en se rasant la tête, courte barbe bien entretenue. À ses moments perdus, le pompier fait de la moto. Récemment, il a eu les honneurs du journal local avec un article attendrissant : un petit garçon lui avait fait un dessin pour le remercier d’être intervenu dans son quartier lors du passage d’une tempête hivernale. Tino Schneegass pose en uniforme, sourire franc et rassurant. Sur sa veste, on distingue clairement le nom du « héros ». Détail presque superflu : à Chemnitz (Saxe), où il vit et travaille, il est bien connu.
L’avenant pompier est en effet le porte-parole local du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). « Je fais une séparation stricte entre mon travail et mon engagement politique, précise-t-il. Mais ce n’est pas quelque chose que je cache. » Puis il ajoute en riant : « Ici à Chemnitz, l’AfD n’a pas besoin de faire de la publicité, vous savez. » Plusieurs de ses collègues, note-t-il, ont aussi leur carte au parti d’extrême droite. Voici quelques mois, le président de la fédération des pompiers d’Allemagne a d’ailleurs dénoncé l’infiltration de l’AfD parmi les soldats du feu. Assailli d’e-mails et de courriers de menace, il a été contraint de quitter son poste.
s’inquiète le sociologue Matthias Quent, spécialiste de l’extrême droite à Iéna (Thuringe). Les pompiers ne sont qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. L’été dernier, l’AfD a fait circuler en interne un document de 72 pages détaillant au travers des Traduction par le chercheur : Associations de parents d’élèves ou d’aide au travail scolaire, coopératives agricoles, groupes de parole pour femmes, clubs de chasse ou de danse folklorique… Les associations de défense de la nature, traditionnellement « de gauche », se voient elles aussi noyautées : l’écologie devient alors un retour nostalgique vers la terre allemande qu’il faudrait protéger au même titre que la famille et la culture nationale germanique de souche.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits