Le Journal du dimanche

Lettre à Sibeth Ndiaye

Si je me permets de m’adresser à vous, c’est que vous êtes devenue un sujet de conversation même dans Venise pétrifiée par le confinement. Vos propos du 11 mars sur la gestion italienne de l’épidémie avaient provoqué à Paris les réactions indignées des plus francophiles des Italiens comme Enrico Letta, ex-président du Conseil, ou la philosophe Michela Marzano. Ici, et vous vous en vantez. On n’est pas là pour rigoler et vous êtes là pour aller au front. Il y a chez vous – est-ce la jeunesse, est-ce l’expérience fondatrice de la campagne présidentielle – une assurance bravache, une témérité, un mépris absolu de toute prudence. La prudence, vous savez ? La première des vertus cardinales, celle qui fait qu’on n’en pense pas moins, mais qu’on en dit un peu moins, par précaution. Vous croyez l’avoir remplacée avantageusement par le courage. Mais non, le courage sans prudence n’est rien. Les cimetières sont pleins de courageux imprudents, de téméraires sans discernement, de serviteurs loyaux mais raides dans leurs obéissances. Vous êtes une jeune femme, une mère de famille avec une vocation pour la politique. Vous voulez donc influer sur l’avenir du pays. Vitalité, audace, fidélité. On aurait envie de vous applaudir et de vous souhaiter bonne chance. On est retenu par l’effet de vos prestations médiatiques. Elles sont toutes pénibles à regarder depuis le début du quinquennat, mais celles liées à la crise sanitaire sont accablantes : petits ricanements méprisants, coups de menton fiérots et peu courtois, autosatisfaction immotivée, navrante pauvreté du langage. La mascarade des masques a mis surtout en valeur votre technique personnelle des mensonges assenés au marteau, cela va des masques inutiles (ou trop difficiles à mettre pour le commun des mortels), à la gestion de la pénurie qualifiée de . Pour être efficace la parole politique devrait avoir de la cohérence et une certaine amabilité. Le contenu peut être foireux et vide, mais le propos se doit d’être convaincant et structuré. Orwell a dit : . Pour le moment, vous avez hélas raté votre coup. Une dernière chose : n’écoutez pas ceux qui vous qualifient de , ne vous coulez pas dans la mythologie de la guerrière martyre. C’est un piège dans lequel tombent facilement les caractères les plus narcissiques. La guerre, pourquoi pas. Mais si vous la faites, on imagine que c’est aussi pour la gagner. Être la meuf que l’on sacrifiera à la première occasion parce qu’elle est devenue un boulet n’est – pour parler comme vous – ni top ni super.

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Le Journal du dimanche

Le Journal du dimanche1 min de lecture
Bonne Semaine
Ingénieur, pilote d’hélicoptère, formée au Centre européen des astronautes à Cologne, en Allemagne, elle est la deuxième Française – après Claudie Haigneré – à devenir officiellement astronaute. Diplômée du prestigieux MIT – Massachusetts Institute o
Le Journal du dimanche3 min de lecture
Formule 1 Rivaux Puis Copains Pour L’éternité
« Pour commencer, un grand bonjour à notre ami Alain, tu nous manques à tous ! » Avant le Grand Prix de Formule 1 de San-Marin, le 1er mai 1994, Ayrton Senna accomplit pour le diffuseur TF1 le tour de reconnaissance du circuit d’Imola. D’habitude san
Le Journal du dimanche2 min de lecture
Libérez Le Président De La République !
Il ne suffit pas d’écrire un excellent livre, encore faut-il le publier au moment opportun. Tel est le cas du nouvel essai de Philippe Guibert. Car nulle part ailleurs plus nettement qu’en France, et jamais davantage que ces derniers temps, la figure

Associés