Julien Clerc, licences et préférences
« Je vais où on me dit, je suis un soldat »
se mordre la lèvre inférieure comme les enfants timides alors qu’il est trois fois grand-père et qu’il est l’une des rares stars encore vivantes de ce que l’on appelait la chanson française, je me suis dit que j’aurais voulu être une artiste. Pas parce que Julien Clerc ferait son numéro comme dans la chanson, non. Il ne fait pas exprès d’avoir à 72 ans l’air d’être un – c’est le premier mot qui lui est venu quand il m’a parlé, selon son expression. , commente-t-il en caressant sa tasse de thé. Primo, donc, il boit du thé à l’heure de l’apéritif – bon, d’accord, il s’autorise quelques licences : il le sucre et il renverse le lait qu’il cherche à verser dedans, mais enfin ça reste très peu subversif… Secundo, il vit à Londres depuis cinq ans mais il paye ses impôts en France. Ça, je le lui ai fait répéter deux fois. Ah ? Je l’écoute me raconter que la poésie provient notamment de la lumière. Qu’est-ce à dire ? je demande, suspectant, à tort, un deuxième degré. Au lieu de répondre tout de suite, il sourit délicieusement. Oh je sais, il y a de la mièvrerie, beaucoup, dans le choix de cet adverbe, mais enfin je n’ai pas trouvé mieux pour décrire ce qui se passe lorsque les fossettes de mon interlocuteur se creusent, et je mets au défi toutes les femmes qui espèrent être comme il le chante la de leur homme de prétendre que le sourire de Julien Clerc n’est pas délicieux. Mais revenons à la façon dont il justifie son expatriation : Ça ne les empêche pas, sa femme et lui, d’avoir pris la décision de revenir pour la rentrée prochaine de Léonard, leur fils de 11 ans. Certes. Mais ils en avaient une, belle, par eux vendue avant de traverser la Manche… Je décide de ne pas le titiller. De toute façon on n’a pas envie de l’embêter. Il ne donne pas prise, il est un peu ailleurs, pas loin, juste à côté, mais inaccessible à ces choses-là. [son parolier historique, avec lequel la fâcherie a duré le temps de deux ou trois albums] Parce qu’il est charitable, lui ? Il croise ses jambes, enroule ses bras autour, les enlève, presse ses mains l’une contre l’autre, le tout en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (et l’écrire…), mais très tranquillement. Le futur antérieur pourrait laisser penser qu’il est à l’heure du bilan, mais il ne faut rien en croire, car il continue. La musique, bien sûr. , comme il dit. Il vient de finir une tournée, et à présent il retrouve son piano. Qui ne traverse, on l’a compris, que dans les clous. Fût-ce ceux du début du siècle dernier : il vouvoie sa femme depuis quinze ans. Et il en est fier – il me l’a dit alors que je ne lui avais rien demandé.
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