DE CLAIRE CHAZAL
HARO SUR LA LOI
eoffroy de Lagasnerie est un philosophe de gauche. Il n’est pas loin de Jean-Luc Mélenchon et a activement participé à Nuit Debout avec son ami Didier Eribon, auquel il dédieIl y déconstruit radicalement tout notre système politique. affirme-t-il en partant d’un principe simple, presque nihiliste : l’individu n’a jamais le choix puisqu’il naît dans un ordre juridique donné. Sa condition est, d’une certaine façon, celle des Noirs défendue par les Black Panthers, qui se trouvaient face à la loi américaine. La loi nous vient de l’extérieur, comme dans un rapport colonial, écrit l’auteur. Elle n’est pas l’expression de l’intérêt général mais celle d’intérêts particuliers. Le constat de Geoffroy de Lagasnerie s’adresse aussi bien aux gouvernants qu’aux contestataires qui, pour lui, emploient les mêmes notions fictives. C’est ainsi que ses critiques sont principalement destinées aux penseurs de gauche : John Rawls, Hannah Arendt, Jürgen Habermas, Chantal Mouffe… Plus qu’un langage oppositionnel, le philosophe tient un discours anarchiste et fait éclater les cadres de la théorie politique. Depuis ses premiers écrits, Geoffroy de Lagasnerie est resté cohérent. Dans déjà, il traite le cas des lanceurs d’alerte comme Edward Snowden ou Julian Assange et défend leurs « fuites », signe de leur désajustement à la nation. Ils ne contestent pas seulement la loi à l’intérieur du pays, comme le font, par exemple, les tenants de la désobéissance civique, mais ils refusent la communauté politique tout entière. La conscience politique, c’est comprendre que sont des impossibles. L’auteur n’apporte pas de solution puisque cette dernière se trouve forcément en dehors du système. Ce n’est pas un livre programmatique, mais une réflexion féconde qui peut faire entrevoir, à ceux qui y croient encore, les limites de nos démocraties.
