Les malades en vadrouille
Par James Gassongo
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une carrière internationale enrichie de diverses expériences, James Gassongo devient dès 2010 un chroniqueur influent. À travers ses écrits, il aborde les enjeux sociopolitiques contemporains, offrant des réflexions pertinentes. En 2021, il publie son premier roman, Tuez-le-nous ! Le couloir de la mort, une œuvre mêlant drame et introspection. Par ses créations, James interroge la condition humaine et invite à une réflexion sur des enjeux universels.
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Aperçu du livre
Les malades en vadrouille - James Gassongo
Es-tu réellement mon père
ou mon géniteur ?
La poussière ocre avait tout envahi, recouvrant d’une couche uniforme les murs des habitations, les carcasses de véhicules qu’ils fussent abandonnés ou en circulation, ainsi que les arbres et les plantes. Au moindre passage d’un véhicule ou d’une moto, nous étions littéralement mitraillés par ce voile suffocant.
Pourtant, le climat se montrait clément ; il ne faisait ni chaud ni froid, à l’exception de quelques heures durant certaines journées. La saison sèche, Élanga, nous avait ainsi fait don d’un temps particulièrement agréable. Cette douceur, cette température idéale, était paradoxalement perçue par les habitués de la canicule comme des journées glaciales. Sans le montrer, je me délectais du spectacle des passants affublés de joggings épais, de blousons de cuir ou de denim lourds, de gros pulls, de vestes en laine, ou de costumes d’ordinaire réservés à l’hiver rigoureux.
Quotidiennement ou, plus rarement, en après-midi, je me rendais chez Seth Akéa, cet ami qui était devenu le frère que j’avais choisi. Le guerrier de ma contrée, autrefois inébranlable, n’était plus qu’un simulacre de lui-même, un vestige de sa force passée. Pendant que nous nous insurgions avec ferveur, nos protestations résonnant sans relâche, l’homme qui, avec une résilience inébranlable, avait surmonté les trois premières années de notre parcours académique, malgré l’absence de bourse, d’aide et de conditions supportables, voyait à présent sa flamme intérieure décliner, rongée par une indicible affliction.
Mon complice était dévasté, l’âme réduite en cendres par le chagrin. Et pourtant, face à sa silhouette chancelante, c’est moi qui portais le fardeau d’un deuil au fer rouge.
Trois semaines plus tôt, la fragile toile de mon existence s’était déchirée, transpercée par un souffle funeste et dévastateur. Ma mère, mama Lela, l’étoile étincelante de ma vie, m’a été brutalement arrachée, emportée en plein vol, tel un oiseau pris dans la tourmente. Une intervention chirurgicale, promesse d’un espoir incertain, nous avait conduits à arpenter la ville sans but, à la recherche de trois ordonnances onéreuses, désormais devenues dérisoires.
Mais tout s’est effondré dans l’obscurité d’une habituelle panne électrique, sentence inexorable et cruelle. Quatre-vingt-dix minutes de ténèbres absolues dans ce grand hôpital dépourvu de groupe électrogène en état de marche ; une éternité d’angoisse suspendue au-dessus de l’abîme chirurgical, où chaque seconde pesait le poids des larmes non versées et des mots non dits. Une coupure soudaine et implacable a brisé le fragile équilibre, plongeant nos vies dans un chaos silencieux et oppressant, où l’éclat de l’espoir s’est éteint dans l’obscurité la plus totale.
Le retour de la lumière ne fut qu’un suaire, éclairant son dernier chemin vers le long couloir de la morgue. Elle laissait derrière elle un vide abyssal, un silence de mort où nos voix se sont perdues.
Les jours s’enchaînaient, mais Seth Akéa restait aveugle à sa propre métamorphose, à cet homme étranger qu’il était devenu au sein de notre environnement, comme un exilé au milieu des siens.
Un vendredi, avant de quitter la maison, l’atmosphère était empreinte d’une froideur peu clémente, et l’ombre de la mélancolie avait effacé le radieux sourire qui illuminait habituellement le visage de Seth Akéa. Le gentleman, cet homme jovial de la cité des Eucalyptus, n’était plus que l’ombre de lui-même, une silhouette marquée par la tristesse et l’inquiétude.
Un peu plus loin de sa maison, dans la voiture, une larme solitaire, nacrée, glissait lentement sur ses joues, traçant un chemin sinueux sur une peau marquée par une série d’épreuves imprévisibles. La sueur perlait sur son front, formant de petites gouttelettes scintillantes comme des diamants, reflet de la tourmente intérieure qui l’ébranlait. Son cœur battait à tout rompre, tel un tambour de guerre réprimé, tandis que son regard, vide et perdu, semblait chercher un horizon inaccessible. Dans ce monde où la lumière et l’ombre livraient un ballet silencieux, la vérité suffoquait, emprisonnée dans un cocon de silence, ses ailes brisées par le doute. Seth Akéa, autrefois ébloui par les merveilles du monde, errait désormais comme une âme en peine. Son regard, jadis éclatant comme un ciel étoilé, était devenu un puits sans fond, engloutissant toute lumière.
Ni les paysages enchanteurs de ce pays verdoyant, autrefois source de ravissement, ni les mantras murmurés dans la pénombre ne parvenaient à apaiser son âme tourmentée. La vérité nue, dépourvue de ses oripeaux, le confrontait à une réalité crue, impitoyable. Une mélancolie profonde avait envahi son être, le métamorphosant en une île déserte, ballottée par les flots de la désespérance.
La fatigue l’avait étreint, le dépouillant de son essence. Cette barbe ébouriffée et négligée lui donnait un air de vieux maquisard, ou plutôt de prophète en mal de révélation. Malgré mon deuil, je me surprenais à le surnommer le Che, en hommage au révolutionnaire. Mais derrière cette façade d’insurgé, se dissimulait un homme dont l’âme portait les stigmates d’une indicible cassure. Plus souvent que de coutume, ses lèvres murmuraient des confidences à voix basse ou des prières ancestrales, psalmodies d’un bon animiste, tandis que l’esprit, insidieux ravisseur, le tenait par le collet de ses pensées.
De plus en plus, je l’observais avec une angoisse grandissante, sentant l’abîme se creuser entre nous. L’homme que j’avais vénéré, mon parangon, n’était plus qu’un fantôme évanescent. Son corps, là, mais son esprit ailleurs, lointain. La croix ankh, jadis rayonnante sur son torse, avait vu sa lumière intrinsèque s’éteindre.
Sa fiancée Isis nous racontait que les nuits s’étiraient, interminables et lourdes, emportant avec elles son sommeil. Son agitation était palpable, perceptible jusqu’au creux de son ventre. Enceinte de sept mois, sa compagne ressentait son malaise croissant. Un soir, elle voulait partager avec lui la joie de la dernière échographie, mais il semblait absent, l’ombre lointaine de lui-même. Dans cette contrée où l’enfantement portait encore en lui tant de risques, son âme cherchait désespérément son soutien, son bras pour l’apaiser.
Et pourtant, ils avaient nourri le vœu profond d’un enfant, une graine de vie désirée au zénith de leur amour. Peu importait que ce fût un fils ou une fille, car l’essentiel résidait dans l’existence même de cet être. Cependant, la longue attente de cette promesse incarnée avait fini par bouleverser le père, le précipitant dans une vaste odyssée intérieure, un labyrinthe de réflexions où son esprit s’aventurait loin dans son passé.
Une métamorphose insidieuse s’était opérée, inconnue d’elle. Il mangeait sans faim, souriait sans joie, et l’alcool, autrefois étranger à ses habitudes, était devenu son refuge. Les moments de complicité, les rires partagés, les confidences chuchotées s’étaient évaporés, laissant place à un silence glacé.
Il ne percevait pas encore ce froid insidieux qui s’était glissé entre eux, lentement, inexorablement, métamorphosant leur intimité en une terre aride. Dans un silence à peine audible, se sentant désarmée, souvent, elle contenait ses larmes, ces perles de douleur qu’elle ne voulait pas qu’il découvre, lui qui était déjà ravagé par ce fardeau secret qu’il s’obstinait à porter seul.
Lui, habituellement avare de mots, s’était davantage cloîtré dans son mutisme. Mon grand-père disait souvent : L’homme libre peut être prisonnier de ses pensées. Une prison invisible, plus oppressante encore que les murs de béton. Une perplexité unanime nous étreignait, car nul ne pouvait sonder le mystère de ce qui se tramait. Absolument rien ne laissait présager que cette semaine serait celle où d’innocents souvenirs et de lointains échos se transformeraient en véritable calvaire. Un sage nous martelait souvent : Nous nous croyons invincibles, détenteurs d’une prétendue maîtrise inaltérable, pourtant, il advient que notre cœur chancelle, que nos propres pensées nous précipitent à genoux. Il arrive que la mémoire, implacable geôlière, nous enjoigne de répandre un flot de larmes, qu’elles soient manifestes ou dissimulées.
Un soir en fin de semaine, Seth Akéa quitta le bureau avec un soulagement non dissimulé. La journée avait paru interminable, l’une des plus pénibles qu’il ait connues. Il était méconnaissable, loin de l’homme habituellement souriant et dégagé. Pourtant, il avait tant voulu cacher son mal-être, guidé par les conseils paternels : un homme doit savoir maîtriser ses émotions, ne pas exposer ses faiblesses au regard des autres. La rue était pleine de gens aux problèmes bien plus graves, lui avait-on toujours répété. Mais, malgré ses efforts, ses collègues avaient perçu son abattement.
Seth Akéa avait enfreint l’une des règles tacites de leur petit monde. Au palier, avant de franchir le seuil de leur espace de travail, ils avaient pour habitude de laisser leurs soucis à l’extérieur. Une sorte de pacte implicite les liait : la porte de leur palier était une frontière entre le monde extérieur, avec ses tumultes et ses soucis, et leur bulle de travail, un lieu où régnaient bonne humeur et efficacité. La grisaille du quotidien devait rester sur le pas de la porte. Pas de mauvaise humeur, pas de rancœur, pas de chamailles. Ici, ils étaient une équipe, soudés par un objectif commun. Un mot inscrit sur un pan de mur les rappelait à cet engagement : Bienvenue dans l’île de la bonne humeur. Laissez vos problèmes à l’entrée de ce lieu sacré. Seth Akéa avait trahi ce pacte, et il en ressentait un certain malaise. Et cela lui pesait.
Seth Akéa ruminerait les mots de son père, des paroles qui, désormais, résonnaient avec une acuité nouvelle : Nos propres efforts ne sauraient toujours suffire. La vie, parfois, nous impose son fardeau d’épreuves, une torture indicible qui excède notre volonté. Les multiples défis qu’il avait traversés lui avaient enseigné que la maturité véritable, la sagesse profonde, s’acquiert avec le temps, au fil des chagrins et des épreuves. Souvent, avec le recul apaisant du temps, il comprenait que les tourments qui l’avaient jadis assailli n’étaient, en réalité, que des jalons éphémères sur son chemin. Les épreuves de l’existence sont tels des orages purificateurs qui nettoient l’âme et renforcent l’esprit, nous offrant la chance d’apprendre et de croître.
En démarrant son véhicule, deux jeunes internes s’approchèrent de leur jeune collègue Seth Akéa, un sourire amical aux lèvres. Elles lui proposaient de se joindre à elles pour la soirée. Un malaise le saisit. Ce soir-là, le jeune docteur Seth Akéa aspirait à la solitude, à se perdre dans ses pensées. D’habitude, il se serait joint à elles avec plaisir, mais, ce soir-là, l’idée même de converser le fatiguait. Il balbutia quelques excuses, prétextant un rendez-vous urgent, et s’empressa de démarrer.
Timidement, la nuit, comme un épais manteau noir, enveloppait la ville. Les étoiles faisaient leur apparition, accentuant le sentiment de solitude qui l’envahissait. Il s’avançait lentement vers les heures sombres de la nuit, ces heures silencieuses et ténébreuses où les soucis et les douleurs s’emparent funestement de notre corps. Ce sont les heures où le désespoir et la déraison règnent en maîtres, où la folie rôde, où les crises surviennent, où naissent les combats intérieurs et les suicides, où les crimes et les meurtres se commettent.
Après de longues heures de travail dans des conditions difficiles de cet hôpital insalubre et infecté, il n’était pas pressé de regagner sa maison. Dans son véhicule, il chercha refuge dans la musique, mais les mélodies semblaient ne plus résonner en lui. Il passa aux informations, espérant trouver une distraction, mais les voix des journalistes lui parvenaient comme de lointains échos. Il baissa le volume, préférant le silence à ce brouhaha inutile. Les pensées tourbillonnaient dans sa tête, s’enchaînant les unes aux autres sans qu’il ne parvienne à les maîtriser.
Au volant de la berline grise appartenant à sa mère Mayi, ce refuge solitaire qui abritait ses tourments les plus profonds, il traçait la route à une vitesse inhabituelle. Ce soir, il irait ailleurs, vers un horizon flou, un carrefour aux contours incertains. La chaussée, cicatrisée de nids-de-poule à chaque enjambée, déroulait son ruban noir et sans fin, miroir d’un futur aux contours vagues. Un frisson d’appréhension le tenaillait, comme un ver rongeant ses entrailles. Était-il prêt ? Était-ce nécessaire ?
Tant de questions taraudaient son esprit, tourmentant sa conscience comme des vagues obstinées contre une falaise. Il sentait l’inéluctable se rapprocher. Après cette rencontre, que ferait-il ? Qu’adviendrait-il de lui, de ce qu’il croyait être ? Il roulait, mais avait l’impression d’être figé, prisonnier de ses pensées. Les phares de la voiture fendaient l’obscurité, mais ne parvenaient pas à dissiper les ténèbres intérieures.
Son enfance, bercée par les rires et les effluves d’un bonheur apparent, semblait promise à une sérénité éternelle. Né troisième d’une fratrie de cinq, il avait goûté aux joies d’une famille unie. Pourtant, le temps, inexorable, avait érodé cette façade idyllique. La maîtrise de soi, qu’il croyait inébranlable, s’était révélée être une illusion fragile. Un feu couvait désormais au plus profond de lui, consumant lentement son âme. Les hommes, dit-on, peuvent endurer bien des épreuves en silence. Mais même la plus solide des forteresses finit par céder sous la pression. Le corps cède lorsque l’âme ploie.
Sur le chemin, les paroles de sa tante résonnaient avec insistance dans son esprit. Subrepticement, elle lui avait confié l’adresse, tel un viatique vers une vérité occultée. Au volant, le docteur Seth Akéa laissait sa vigilance s’amenuiser. À deux reprises, il frôla la perte de contrôle. Les pensées volaient en rase-mottes, l’attention s’effondrait irrémédiablement. Son propre discours sur le dépassement de soi était mis à rude épreuve.
Après plusieurs minutes d’errance, il finit par stopper la voiture au bord d’un petit lac, les eaux sombres réfléchissant le ciel étoilé. Il descendit, respirant l’air frais de la nuit. L’endroit était calme, presque sacré. Seth Akéa se tenait là, face à l’immensité du lac, perdu dans ses pensées. Cette tranquillité lui offrait un répit, lui permettant de poser enfin les questions qui l’assaillaient depuis trop longtemps.
Sur une imposante pierre, il s’assit sur le bord, immergeant ses pieds dans l’eau pour deux minutes. Il cherchait à retrouver son calme, à s’apaiser et à ressentir la fraîcheur régénératrice avant de reprendre la route. Il puisa l’eau, s’en lava le visage, et laissa ses pensées se déverser librement, telles les vagues caressant lentement la rive. Était-il réellement prêt à affronter ou découvrir certains secrets ou vérités ? Ses yeux se fermèrent doucement, et il murmura pour lui-même, telle une incantation intime : Je suis plus que mon passé. Je suis le maître de mon destin.
Cette route était celle qui le conduirait à un carrefour non maîtrisé. Les phares de la voiture éclairaient le chemin, mais chaque tournant semblait l’emmener plus profondément dans un labyrinthe de pensées troubles.
Notre être se laisse parfois guider par le cœur sans l’approbation de la raison. Nos sentiments dictent et ordonnent à nos membres de se mettre en mouvement, souvent sans l’adhésion de la raison. L’être humain pleure parfois lorsque la raison lui prouve que le chemin emprunté n’est pas le bon. Seth Akéa, dans sa solitude, ressentait ce conflit interne, ce tiraillement entre le cœur et la raison, entre son désir de vérité et sa peur des conséquences.
Tout en conduisant, il se remémora une citation de son grand-père : La peur est une prison, mais la connaissance est une clé. Cette pensée résonna dans son esprit, lui offrant une lueur d’espoir. Oui, la connaissance pouvait être douloureuse, mais elle était également libératrice. Il était temps d’affronter ses peurs, d’enquêter sur cette vérité qui l’obsédait, même si cela signifiait briser des illusions.
Dolisie n’était pas loin, à peine une heure et trois quarts depuis le centre-ville. Pourtant, le trajet lui parut une éternité.
Il arriva enfin dans la paisible banlieue où résidait monsieur Tala Sobek, un vieillard de taille moyenne aux cheveux rares, assis sur une terrasse en carreaux ressemblant au marbre orange. Sa calvitie, qui devrait briller sous les derniers rayons du jour, se présentait autrefois comme une peau lisse de nourrisson, tandis qu’il écoutait, le regard perdu, un vieux transistor crachant un air de Tabu Ley : Mokolo na ko kufa. Le jour où je mourrai.
Seth Akéa observa l’homme, cherchant la force d’affronter ce moment suspendu. Puis il se décida enfin.
— Bonjour, monsieur.
L’homme se tourna lentement, ses lunettes glissant légèrement sur son nez. Ce dernier semblait plongé dans ses souvenirs, un air grave sur le visage. Enfin, il leva les yeux et répondit d’une voix rauque.
— Bonjour, jeune homme.
Seth Akéa attendit, le regard fixé sur l’homme. Le regard de Tala Sobek trahissait une reconnaissance lointaine, comme s’il voyait en Seth Akéa une ombre du passé, mais sans être certain de l’attendre. L’atmosphère devint lourde, chargée d’émotions contenues.
Seth Akéa savait que cette rencontre était délicate. Il avait entendu des rumeurs sur le passé trouble de cet homme, mais il avait aussi besoin de ses réponses pour mener à bien sa mission.
Très calme et courtois, Seth Akéa demanda à monsieur Tala Sobek :
— Je peux m’asseoir ?
Sans hésitation, en indiquant une place :
— Oui, bien sûr ! Mon fils, prends place.
Seth Akéa avança tout lentement pour s’asseoir à moins de deux mètres de monsieur Tala Sobek et il continua la série de questions.
— Vous êtes sans doute surpris de me voir ?
— Oui, certainement. Y a-t-il un problème ? Que puis-je faire pour vous ? Qui voulez-vous voir ? Ils sont tous sortis, je suis seul et mon épouse est allée au marché du soir.
Seth Akéa inspira profondément.
— Je peux vous appeler par Papa ?
— Oui, bien sûr !
— C’est compliqué, papa. Je crois que vous êtes la seule personne qui puisse m’aider. Il hésita un moment, puis continua :
— Il y a quelque chose que je dois savoir, quelque chose que ma mère n’a jamais voulu me dire.
— Ta mère ?
— Oui, ma mère, madame Mayi.
Tala Sobek parut soudain plus âgé, ses yeux plongés dans un passé qui le hantait. Il se reprit rapidement, affichant un sourire rassurant.
— Qu’est-il arrivé à votre mère, Mayi ?
Seth Akéa secoua la tête :
— Non, elle se porte bien, merci. C’est plutôt moi… Je suis venu parce que je suis… confus.
Il hésita un instant, puis Seth Akéa continua :
— Ma femme attend
