À propos de ce livre électronique
Alors…Osez plonger dans des situations improbables, imprévisibles, intrigantes qu’ils s’apprêtent à vivre !…
Serez-vous Greg ?
Serez-vous Oris ?
Serez-vous Brad ?
Serez-vous Exo ?
Serez-vous…
Mais qui serez-vous au juste ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1955 à Metz, de parents italiens, J. I. GRECO a grandi, bercé par deux cultures, française et lorraine d’une part, italienne et calabraise d’autre part, sans jamais pouvoir les départager. Ce qui a de toute évidence forgé sa personnalité.
Amoureux des mots depuis son plus jeune âge, il se met à écrire des chansons, des poèmes, puis au fil des ans, se lance dans d’autres genres littéraires tels que la nouvelle et le roman.
Ses diverses passions pour le fantastique, la science-fiction, le rock progressif, la peinture métaphysique et surréaliste, l’astrologie et l’astronomie ont sans nul doute contribué à construire son univers.
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Aperçu du livre
Point(s) de repère - J.I. GRECO
Éditions Encre Rouge
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37 bis rue de Pontivy – 22 530 Mûr de Bretagne
Mail : contact.encrerouge@gmail.com
ISBN : 978-2-38675-028-1
Dépôt légal Décembre 2025
J.I. GRECO
POINT(S) DE REPERE
PREFACE
Au seuil du recueil…
Entrer dans un livre est toujours une expérience. Un titre nous a interpellé, une couverture nous a fait signe, le dos où dansent quelques lignes a mis en mouvement notre imagination… Et ensuite ? Par où commencer ? La tentation est parfois grande de grappiller, de parcourir subrepticement quelques pages au milieu, ou vers la fin, pris entre la curiosité et la crainte de gâcher son plaisir en découvrant trop tôt un élément essentiel.
Rien de tel ici ! Car voici la liberté offerte par un recueil de nouvelles. Chaque histoire est différente, chaque texte porte son univers et offre au lecteur son propre éventail d'émotions.
Inlassable arpenteur de ces terres de l'imaginaire, J.I. GRECO navigue entre fantastique, science-fiction et dystopie. Il peut nous emporter loin, en un Orient porteur de merveilles, cachant des cités fabuleuses et secrètes ou des livres semblables à des coffres aux trésors ; ou tout près, au coin de la rue, chez des quidams qui pourraient être nos semblables, quoique… L'invraisemblable, l'étrange, se nichent parfois au cœur du réel le plus banal. De quoi ouvrir les yeux sur notre quotidien et nous demander, rêveur, ce qui se dissimule sous les apparences.
Les tonalités sont aussi très variées, au sein des textes de J.I. GRECO. Si certains nous ouvrent les portes du conte, rafraîchissant des souvenirs d'enfance légers et colorés, d'autres, plus sombres, suscitent la réflexion. A quoi conduisent nos modes de vie actuels, quels futurs problématiques nous tendent peut-être le bras ? La science-fiction, la dystopie, sont aussi des mises en garde. Elles jouent leur rôle de garde-fous et d'objecteurs de conscience. L'humanité y apparaît là dans sa possible noirceur, entre cités désertées et communautés isolées survivant dans une violence institutionnalisée.
Heureusement, il reste chez l'auteur un espoir, celui créé par la littérature. L'amour de la lecture émane constamment de ses récits. De fabuleuses bibliothèques rappellent ses sources d'inspiration, et la manière qu'ont les livres de nourrir ceux qui les ouvrent. Les écrivains et les artistes d'autrefois surgissent eux-mêmes au détour des pages, jolis clins d'œil jetant des passerelles entre passé et présent, et jeu de piste pour le lecteur, amené à son tour à deviner ces références.
Tordons le cou, pour finir, à une idée reçue : la nouvelle, un genre frustrant ? Pas du tout ! Voici des textes qui sollicitent la participation du lecteur, le laissant libre, à la fin, de poursuivre lui-même l'histoire et de l'emmener vers d'autres directions.
Au seuil du livre, il faut passer une porte.
Entrez, tournez la page. L'histoire commence ainsi…
Patricia PANO
A Gabriella, ma femme
A Florian, Flavien et Fanny, mes enfants
L'apparence
Bien avant que cela n'arrive, j'étais libre comme l'air. Plus léger qu'une plume. Je me déplaçais à ma guise. Au hasard des chemins. Sans contrainte ni retenue. Je me laissais aller au gré de ma fantaisie et faisais ce que bon me semblait, quand cela me chantait.
Oui, bien avant que cela n'arrive, j'étais libre comme l'air. Aussi transparent que lui. A l'instar d'un infime grain de poussière, je ne craignais pas le déchaînement des éléments, je n'attachais aucune importance aux lois de la physique, je n'exerçais pas la moindre influence sur le temps ou sur l'espace (et eux non plus, soit dit en passant, sur le déroulement de mon insignifiante existence). Je flottais tout simplement. Dans le vide. Sans jamais éprouver une quelconque sensation de vertige. Sans jamais me faire remarquer.
À l'époque, je ne me rendais pas vraiment compte de la chance que j'avais. Des avantages que cela présentait. D'ailleurs, pas un seul instant, je n'aurais imaginé que mon insignifiante existence ô combien paisible allait être chamboulée par une simple lubie.
Pourquoi avait-il fallu que je me mette à les côtoyer ? À m'intéresser à elles ? Chaque jour, davantage ?
Vouloir appartenir à leur monde n'était pourtant pas une mince affaire. Surtout quand on n'obéissait à aucune de leurs lois, on ne se conformait à aucune de leurs règles, on ne suivait aucun de leurs principes.
Comment moi qui n'avais aucune odeur, qui n'émettais aucun son, qui étais totalement dépourvu de couleur et qui de surcroît n'avais aucune consistance, je pouvais espérer attirer leur attention ?
Il n'existait même pas un qualificatif dans leurs dictionnaires pour me définir, ni aucun substantif pour me désigner. Mais ce constat, quoique décevant, n'avait rien de surprenant, car l'espèce à laquelle j'appartenais n'avait pas encore été découverte.
Mes congénères, du moins ceux qui avaient l'habitude de m'accompagner lors de mes errances, ne partageaient absolument pas mon engouement.
Pourtant, comme moi, ils avaient pu les observer à loisir dans les discothèques, les salles de concert, les cinémas, les restaurants, les églises, les théâtres, les cabarets, les stades, les musées, les palais des sports, enfin tous ces lieux où ces mystérieuses créatures
(c'est ainsi que je me complaisais à les nommer) avaient l'habitude de se regrouper pour des raisons diverses et variées.
Cette indifférence devant tant de beauté m'avait plongé dans la perplexité. Comment diable parvenaient-ils à rester insensibles à l'immense complexité de ces créatures exceptionnelles
(il m'arrivait également de les nommer ainsi) ? À leur impressionnante diversité ?
De leur côté, mes acolytes ne comprenaient pas pourquoi elles me fascinaient tant.
Pour répondre à leurs interrogations, jour après jour, sans jamais me décourager, ni me lasser, je n'avais pas hésité à les forcer à explorer à nouveau mais de façon plus approfondie les mêmes lieux où nous nous étions déjà rendus. En fait, j'espérais par la même occasion susciter en eux quelque excitation, aussi infime fut-elle. Cette petite étincelle qui aurait déclenché l'émerveillement.
Comme il fallait s'y attendre, cela n'arriva pas. Ils ne furent pas plus emballés. Mais cela ne m'arrêta pas pour autant. Je persistais à croire qu'à force d'insister, ils finiraient tôt ou tard par ressentir ce que j'éprouvais au plus profond de mon être.
Au risque de les barber, je m'étais alors démené pour leur faire découvrir d'autres lieux comme les marchés, les foires, les stations balnéaires, les cures thermales. Je les avais incités à déambuler dans les gares, les aéroports, les campus, les centres commerciaux. Je les avais obligés à prendre des bains de foule, à participer à toutes sortes de conférences, à diverses manifestations, à des soirées mondaines, à des festivals, des croisières, des émissions de télé, des défilés de mode… Je les avais obligés à écouter leurs discussions, à suivre le fil de leurs pensées, à relever leurs contradictions. Je les avais même contraints à les observer durant leur sommeil, à se délecter de leurs rêves et parfois à y participer sans qu'elles puissent bien sûr en garder le moindre souvenir à leur réveil.
Toutes mes tentatives, hélas, s'étaient soldées par des échecs. A aucune de leurs allocutions, de leurs exhibitions, à aucun de leurs divertissements, ils n'avaient montré le moindre intérêt. Non ! À aucun moment ils n'avaient manifesté le moindre enthousiasme.
En revanche, à ma grande stupéfaction, ils avaient relevé le changement qui au fil des jours s'était opéré en moi. Un changement que je n'avais pas vu venir.
En fait, sans m'en rendre compte, je m'étais attaché à ces mystérieuses créatures
malgré les défauts et les imperfections qui les caractérisaient, je m'étais entiché de leur mode de vie, même si parfois il laissait à désirer. Bien sûr, il me fut difficile de nier la flagrante vérité. Difficile de passer sous silence que tout en elles m'attirait et m'intriguait, à tel point que je n'arrivais plus à m'en passer.
Mes congénères, conscients des conséquences que cette situation pouvait générer, commencèrent à s'inquiéter sérieusement à mon sujet. Ils n'hésitèrent pas à me mettre en garde contre les risques et dangers que j'encourais, si je m'obstinais à poursuivre dans cette voie.
L'air complètement abasourdi, je m'étais contenté de les dévisager l'un après l'autre, tout en me demandant si je devais vraiment les prendre au sérieux.
Quelques jours plus tard, après avoir longuement cogité, je pris la ferme résolution de leur avouer ce qui, depuis quelque temps, trottait dans mon esprit.
Inutile de décrire l'expression qui s'afficha sur leurs visages, lorsque sans mâcher mes mots je leur appris que j'en avais assez de ne ressembler à personne et qu'il était grand temps que je prenne une apparence qui me tienne à cœur, en l'occurrence celle de ces étonnantes créatures
(c'était là une autre de mes expressions favorites pour les désigner).
Certains me demandèrent si je n'avais pas perdu la tête, d'autres cherchèrent à me dissuader, s'évertuant à me démontrer par A plus B que mon choix (connu pour être irréversible) ne me mènerait à rien, sinon à ma propre perte.
À les entendre, j'avais l'impression que j'étais sur le point de commettre un crime abominable.
Cependant ma décision était prise et je n'avais nullement l'intention d'y revenir.
Sans doute l'avaient-ils compris, car au bout d'un moment, en dépit de leurs arguments, ils finirent par s'incliner devant mon obstination. De toute façon aucun d'entre eux n'aurait pu m'empêcher de solliciter la métamorphose à laquelle j'avais droit. Ils le savaient pertinemment. Chacun de nous disposait de ce privilège et était libre d'y recourir, dès que s'offrait à lui une existence différente, plus adaptée à son profil, en parfaite adéquation avec ses aspirations. Chacun en avait parfaitement conscience et ne pouvait me reprocher de me trouver confronté à cette situation.
Après avoir clarifié mes motivations quant à ces créatures extraordinaires
(parmi toutes celles que j'utilisais pour les désigner, c'était là, sans aucun doute, mon expression préférée) non sans éprouver un certain soulagement, il me fallait (ce qui paraissait tout à fait logique) procéder à la phase suivante, qui consistait à valider le processus de transformation. Mais avant d'en arriver là, j'avais besoin d'en savoir plus sur la constitution de leur corps, sur le fonctionnement de leur organisme, sur le mécanisme de leurs sentiments, la manifestation de leurs sensations, le déclenchement de leurs réflexes…
Curieusement, cinq de mes congénères prirent part à mes investigations. Ma décision n'avait rien changé dans leur comportement vis-à-vis de moi. Au contraire, ils paraissaient enchantés de m'épauler dans cette nouvelle aventure. Je les sentais vibrer d'enthousiasme. Enthousiasme qui venait amplifier le mien.
Quant aux autres, ne trouvant certainement plus aucun intérêt à mes pérégrinations, ils préférèrent vaquer à d'autres occupations. Je ne leur en voulais pas. Loin de là. J'étais plutôt content qu'il en soit ainsi.
Les semaines qui suivirent se passèrent dans les plus grandes bibliothèques. Ce fut alors une véritable ruée vers les livres d'anatomie, de physiologie et de psychologie.
Pire qu'un enzyme glouton, je dévorais chaque page, engloutissais chaque mot sans craindre de faire une indigestion de termes scientifiques et techniques ; parallèlement, je m'enivrais de croquis, d'images, de photographies. Bien sûr, tout cela avait lieu durant les heures de fermeture pour éviter d'éveiller le moindre soupçon quant à ma présence. Je sentais au fur et à mesure les informations s'entasser dans ma petite boîte crânienne (qui demeurait toujours aussi invisible et impalpable, malgré le poids du savoir augmentant de façon exponentielle).
Peu satisfait de mes lectures pourtant très instructives, je me mis à fréquenter par la suite les facultés de médecine et de psychologie, en quête d'autres informations. Je me gavai de définitions, de théories, de postulats, de formules, de démonstrations, d'interminables listes de maladies, de symptômes, de syndromes, de remèdes, d'effets secondaires et autres traumatismes. Les défenses naturelles comme les besoins énergétiques, les bienfaits des plantes, les différents types de thérapies ou encore les diverses techniques du bien-être n'eurent bientôt plus aucun secret pour moi.
Tout de suite après, sans me laisser de répit, les hôpitaux et les cliniques prirent le relais. Bien sûr ! Quelques semaines supplémentaires furent nécessaires pour m'éclairer davantage sur ceux qui allaient devenir mes nouveaux semblables. Toujours ni vu ni connu, j'assistai à diverses interventions dans les blocs opératoires ou encore dans les salles de réanimation.
J'avais l'impression que ma tête allait exploser, tellement les diagnostics et les commentaires des chirurgiens, mais aussi des infirmières y affluaient en masse, s'y compressaient. En attendant, je restais toujours égal à moi-même. Plus léger qu'une plume. Aussi transparent que l'air. Mes futurs congénères ne se doutaient de rien. Ils étaient bien loin d'imaginer que je me préparais à me faufiler dans leur vie.
Quand cette chasse effrénée aux informations toucha à sa fin, j'avais mémorisé chaque organe, qu'il soit vital ou non, son emplacement, sa fonction. Je m'étais familiarisé avec chaque cellule, chaque neurone, chaque chromosome, chaque molécule d'ADN… Bref ! j'avais emmagasiné dans ma mémoire (qui était encore loin d'être volatile ou volage) tous les éléments indispensables pour être l'une de ces créatures extraordinaires
, avoir son allure et pouvoir me fondre dans la masse sans risquer d'être démasqué, pris en défaut ou bien regardé de travers.
Enfin, presque tous les éléments !
À vrai dire, il me restait encore à définir mon apparence physique. C'était certainement l'étape la plus importante. La plus délicate aussi. Heureusement, pour cette dernière ligne droite, mes cinq acolytes me furent d'une aide précieuse. Et plus particulièrement quand parmi tous les modèles que j'avais pris le temps de relever, il me fallut CHOISIR.
Choisir mes yeux. Choisir mon nez. Choisir mes lèvres. Choisir mes cheveux, mes oreilles, mon menton. Choisir mon sexe. Choisir mon poids, ma taille, ma carrure. Et choisir aussi ma voix. Et ma démarche.
Une fois fixées toutes les caractéristiques de ma future apparence, j'étais enfin en mesure de passer à l'étape ultime, celle-là même qui allait me faire basculer de façon définitive dans la nouvelle existence dont je rêvais et qui me faisait saliver.
Je n'osais croire que j'étais si proche du but. Rien que d'y penser m'excitait. Mais bizarrement en même temps je ressentais une légère appréhension. L'opération allait-elle réussir ? Ou bien serait-elle vouée à l'échec ? En tout cas, quel que soit le résultat, il me fallait l'accepter. Vouloir me rétracter à ce stade était tout à fait inconcevable.
Le processus de transformation devait s'enclencher durant la nuit.
Cette nuit.
Dans la chambre d'un hôtel situé en plein centre-ville.
Personne ne l'avait réservée. Mes compagnons et complices avaient pris soin de s'en assurer au préalable. A leurs yeux, elle représentait l'endroit idéal pour l'opération. Des évènements festifs devaient se dérouler le lendemain non loin de là, sur la grande place. Ce qui selon eux faciliterait mon intégration.
Cette nuit.
Après m'avoir aidé à m'allonger sur le lit, recouvert d'un drap et bordé aussitôt pour éviter mon corps de flotter, ils avaient tenu à rester auprès de moi. Histoire de s'assurer que la métamorphose se déroule dans les meilleures conditions. C'était également une façon de me souhaiter bonne chance dans ma nouvelle vie. Je savais que je ne les verrais plus, ni ne les entendrais. Plus jamais. Contrairement à eux qui pouvaient continuer à m'observer. A loisir. C'est sur ces dernières pensées que mes paupières se fermèrent et que peu à peu la douce chaleur du processus m'envahit.
Quand je rouvris les yeux, je m'empressai de me toucher sans même chercher à savoir combien de temps j'avais dormi. Me tâtai. Ici et là. Partout. J'avais une consistance. C'était doux. C'était dur. C'était chaud. Je sentis mes paupières ciller. Vraisemblablement pour exprimer mon étonnement. Puis je sentis mes lèvres s'étirer. Sans doute pour former un sourire de satisfaction. J'écartai le drap qui me couvrait et d'un bond, me levai. C'était une étrange sensation que de poser ses pieds à terre pour la première fois, être confronté aux lois de la gravité, ne plus pouvoir flotter dans les airs. Le tournis s'accompagnant d'une légère nausée s'était mis à jouer avec mon équilibre. Mais cela ne dura pas. Le malaise s'estompa après quelques minutes, laissant place à une parfaite stabilité. Je me dirigeai alors vers le miroir. Impatient et curieux de découvrir l'image qu'il allait me renvoyer.
À mon grand soulagement, la transformation était réussie. On ne pouvait se méprendre sur mon appartenance. Tout était à sa place. Rien ne manquait. Le moindre détail avait été respecté, tel que je l'avais souhaité. Même cette excroissance charnelle ballottant entre mes jambes n'avait pas été négligée. Une soudaine démangeaison m'obligea à y porter la main. Je me mis à la tripoter avec curiosité, mais de crainte d'éveiller quelque réaction inadéquate, j'en retirai mes doigts presque instantanément et les passai dans mes cheveux châtain clair tombant en boucles sur mes épaules. Ils étaient soyeux. Ils brillaient. Mes yeux bleus comme la mer sous un soleil éclatant brillaient aussi.
Un sourire illumina à nouveau mon visage.
Je me trouvais beau. Attirant.
Je n'avais qu'une hâte. Mettre le nez dehors et me mêler à ces créatures mystérieuses, extraordinaires, exceptionnelles, étonnantes
dont je faisais maintenant partie. J'avais envie de me montrer. Envie de parler avec eux. Envie que l'on pose le regard sur moi. Que l'on m'adresse un sourire.
Je me regardai une dernière fois dans le miroir. Puis sortis. Fier. Sûr de moi. Confiant.
À mon grand étonnement, la nuit était déjà tombée. Je n'avais pas réalisé qu'autant de temps avait été nécessaire pour ma métamorphose. Quasiment 24 heures ! Mais quelle métamorphose ! Je n'en revenais pas encore tant la ressemblance était parfaite.
L'air était doux et serein. La lune, pleine et ronde, illuminait le ciel empli d'étoiles.
Les premières rues que j'arpentai étaient désertes. Mais je savais pourquoi. Tout le monde s'était rassemblé sur la grande place. Là où avaient lieu les festivités. Dans l'air, je pouvais reconnaître la délicieuse odeur des cacahuètes caramélisées, des crêpes à la cannelle, des pommes d'amour, de la barbe à papa. Cela me faisait saliver et presser le pas. À mesure que j'avançais, la musique se rapprochait, résonnant toujours plus fort dans mes oreilles.
Je les aperçus enfin. Ils étaient là. Tous là en train de discuter, chanter, danser. Mes nouveaux congénères.
Les yeux pétillants, je m'empressai de les rejoindre. Mais alors que je me frayais un passage parmi la foule bruyante et joyeuse, des regards glaçants m'assaillirent, m'obligeant à ravaler en un clin d'œil mon bonheur.
De plus, des commentaires désobligeants vinrent ponctuer chacun de mes pas, devenant toujours plus hésitants.
J'étais loin d'être le bienvenu parmi eux, tel que je me l'étais imaginé. Mais pourquoi cela ne se passait-il pas comme je l'avais prévu ?
L'envie de rebrousser chemin s'empara subitement de moi. J'étais prêt d'ailleurs à la satisfaire, lorsqu'une grosse voix terrifiante se mit à hurler :
⸺ Dégage de là ! Tu n'as rien à faire ici ! Va donc retrouver les gens de ton espèce !
Ces dernières paroles m'interloquèrent.
Peut-être mes nouveaux congénères avaient-ils deviné qui j'étais réellement ? D'où je venais exactement ? Et si tel était le cas, comment y étaient-ils parvenus ?
Les idées s'embrouillèrent soudainement dans mon esprit, se confrontant au doute et à l'angoisse. Probablement, à cause de la pierre qui vint violemment heurter mon front.
Étourdi, je m'écroulai à terre. Quelques badauds s'attroupèrent autour de moi. Comme devant une bête curieuse. Mais au lieu de m'aider à me relever, ils se mirent à me donner des coups de pied. A qui mieux mieux. Sans éprouver la moindre pitié.
Il fallait que je réagisse au plus vite. Je ne pouvais pas les laisser continuer à me maltraiter de la sorte. Aussi, prenant mon courage à deux mains, je me redressai d'un coup et m'aidant de mes poings, je les repoussai vigoureusement. Après quoi, sans leur laisser le temps de contre-attaquer, je pris mes jambes à mon cou.
Je rejoignis l'hôtel en un temps record en parvenant à semer mes agresseurs.
À l'accueil, il n'y avait personne. Tant mieux ! Je n'aurai pas besoin d'expliquer mes blessures.
Je traversai en un éclair le hall d'entrée et atteignis l'ascenseur. La porte s'ouvrit au même instant. Comme par miracle. Comme si elle m'attendait. Transpirant à grosses gouttes, haletant, le sang coulant sur mon visage, je me glissai à l'intérieur et appuyai d'une main tremblante sur le bouton de mon étage.
Une fois dans ma chambre, je poussai un long soupir de soulagement et allai m'affaler sur un fauteuil. En même temps que je reprenais mon souffle, je repassai en boucle ma mésaventure. Je cherchai à comprendre… ce que j'avais fait de travers, à quel moment j'avais fauté, quel détail j'avais négligé.
C'est alors que mon regard se porta sur le valet de chambre. Les vêtements préparés la veille, que j'avais prévu d'enfiler pour l'occasion, s'y trouvaient. La réponse à toutes mes interrogations était là juste sous mes yeux comme pour me narguer.
⸺ Merde ! Quel con ! m'écriai-je en me frappant le front. Comment cela a-t-il pu m'échapper ?...
Le livre qui venait d'ailleurs
Sans s'en rendre compte, Rabal adopta la même position que Jodor. C'était curieux de les voir à présent assis là sur le sable l'un en face de l'autre, sous un soleil ardent, les jambes croisées, les mains posées sur les genoux, les yeux rivés sur le livre placé entre eux, comme un trait d’union entre leurs corps.
Le livre…
Rabal n'en connaissait pas le nombre de pages. Cependant il lui paraissait aussi épais qu'un dictionnaire. Sauf qu'il n'avait rien d'un dictionnaire. Sur la couverture cartonnée, ne figurait aucun titre. Ni aucun nom d'auteur. Seules des couleurs éclatantes défilaient par milliers à sa surface, s'entremêlaient, s'enroulaient, générant de magnifiques motifs en perpétuel mouvement.
⸺ Ce livre, vois-tu, lui révéla Jodor après un long moment de silence, n’est pas un livre comme les autres. D’ailleurs ce n’est même pas un livre. Aussi absurde que cela puisse paraître, il s'agit là en fait d'une entité qui en a pris la forme. Il peut ressentir la douleur comme le plaisir. Il peut transpirer, pleurer et parfois même saigner. Comme n'importe quel être humain.
Rabal écoutait avec attention les paroles du vieil homme. Comme il avait toujours fait depuis des années. Pour lui, il n'y avait rien de plus exaltant que de se nourrir de son savoir. Il était persuadé que tout ce qu'il apprenait de sa bouche lui permettrait un jour ou l'autre d'accéder à tous les possibles.
Tous deux étaient entièrement vêtus de blanc, la longue tunique recouvrant leur corps, le magnifique turban enveloppant leur tête, les superbes babouches chaussant leurs pieds. L'un était jeune et agile. L'autre était beaucoup plus âgé mais curieusement tout aussi vif. L'un était imberbe. L'autre portait une longue barbe blanche descendant jusqu'à la ceinture. Le visage de l'un était parfaitement lisse sans bouton ni cicatrice, tandis que d'innombrables rides sillonnaient celui de l'autre marqué de taches de vieillesse.
Côte à côte, sur leurs chameaux infatigables, ils avaient parcouru pendant de longues journées une infime partie de l'interminable désert pour finalement s'arrêter en cet endroit précis.
Au sommet de la dune la plus haute.
Pourquoi Jodor l'avait-il choisie ? La question avait démangé Rabal. Mais le jeune homme n'avait osé la poser. Car il
