À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dès son plus jeune âge, Alexandre Allée a montré une préférence marquée pour l’évasion dans ses récits, délaissant souvent les obligations scolaires. Fasciné par l’Histoire, la géographie, la politique, la philosophie et, plus récemment, la théologie, il s’est lancé dans l’écriture de ce roman où il tisse une intrigue solidement ancrée dans un univers réaliste.
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Aperçu du livre
Illumination - Alexandre Allée
Ode à l’éternité
Prologue
L’ascension de l’Empire
conduit celui-ci, à sa perte ;
nombreux ils sont parmi son peuple,
à admirer le voile du Saint des saints, déchiré.
L’un se voit seul plus puissant que l’autre, l’unique,
à même de porter et dépasser toute l’espérance.
Mais de leur fascination pour Gog et Magog,
et à tout jamais ; les peuples souffriront.
Et du refus du bienheureux second,
de dévoiler au monde sa funeste création ;
de se déclarer seul prétendant au trône des nations :
se répand parmi les hommes l’esprit de la conjuration.
Car l’alliance est depuis longtemps rompue ;
l’homme est laissé seul maître de sa destinée,
et le progrès fait place à un romantique chaos ;
notre terre se meurt, Gaïa n’est qu’un souvenir.
Puisque l’orgueil de l’Empire ne connaît pas de frontières,
que son besoin de puissance est aveugle à ceux de ses gens.
Mais le bienheureux se loue d’agir, avec le respect et l’humilité ;
exerçant avec toute la rigueur et toute la justice, son céleste mandat.
Car les sols s’épuisent et les élites se font si seules et si incapables ;
mais si riches et si légitimes à asseoir leur malheureux contrôle.
Puisque depuis des années les conseillers sont unanimes :
la fin approche ; les nations vont disparaître.
Oui, certes, car tel est à présent le prix de l’éternité ;
celle qui se dit de la vie, de la création du Fils de l’homme ;
démoniaque ; qui accomplit et prononce les mots de la révélation :
qui est la salutaire, et qui est l’interdite ; celle qui est pleine de mystères.
Car enfin, la marque de la bête leur est apposée, le temps est venu,
et l’Empire s’élève, telle la vague, prêt à fondre ; il promet la libération.
Les peuples des îles renouvellent leur force,
ils sont sûrs d’avoir prêté leur oreille.
Les nations sont devant Lui comme un rien,
ne sont à ses yeux que néant que vanité.
La perle est irrégulière pour ceux qui prétendent déjà en jouir,
et les feux abondants.
Puisque le silence persiste, partout règnent, maîtresses,
la discorde et la confusion ;
et le bienheureux, aux peuples de déclarer :
« qu’ils s’avancent pour parler » !
Or, l’irrépressible, le grand dragon rouge, clame :
« mienne est la belle île. »
Car la providence s’est abattue sur les engeances des pères fondateurs,
sur ceux qui renièrent l’héritage des grandes révolutions,
idolâtres de la bête ;
sur ceux qui firent de leur nouvelle nation
le grand aigle à la tête blanche, avide,
prédatrice ; car la coupe est déversée sur la terre, et avec elle, les abominations.
Ce jour, redoutable, il n’y eut de guerre ni sur la terre ni dans le ciel.
Il n’y eut que l’obscurité la plus soudaine et la plus dévorante.
Celle des agents, que l’on imaginait envoyés de Dieu ;
Et dont le fabuleux Archange lutte à jamais.
Elle a rendu ineptes tous les commandements,
l’arme de l’Empire du Milieu ; car la foudre est tombée.
Son nom est Lei Gong ; elle est le fléau, qui frappe les hommes ;
elle fait d’eux des martyrs, elle retire leur titre aux prophètes.
Mais en premier lieu, fut touché l’État de Washington ;
et avec lui, toutes ses éclatantes places de la providence.
En ce jour, j’abandonnais en Moi toute martialité ;
et jamais ne repris, quelconque forme, l’Amérique.
Vaillants serviteurs qu’ils furent depuis leur indépendance ;
ils ne reçurent alors de Moi aucune aide, aucun secours.
Car bien sûr, il était depuis la tombée bien trop tard.
Et les aïeuls me maudirent, Moi et Mon Nom.
Tout homme, et toute femme, ne connut que la peur,
la plus pure qui soit, de mener un combat perdu d’avance.
C’est ainsi qu’il en vint de l’Occident tout entier.
Et ainsi, le silence devint le nouvel or.
Et leurs enfants n’eurent plus que Mon Verbe.
Et leurs prières, pour Moi, qu’atrocités.
Et leurs larmes, un nouveau déluge.
Et la mort devint leur liberté.
Première partie
Vienne
Chapitre 1
La voiture de l’homme à la calotte quitte la place. Il salue la jeune femme, qui se tient encore là, devant le très riche parvis. Alors elle le lui rend, souriante, puis rebrousse chemin.
Ses talons battent le pavé jusqu’aux carreaux de marbre ouvragés d’une délicate ligne d’or et d’un rouge cardinal. Et, suivant celle-ci, se déploie un motif immense et glorieux empli de symboles chrétiens, dont la rose mariale blanche domine l’ensemble.
Elle poursuit son chemin en direction de son centre : là où s’enfonce la médaille d’or à la colombe, triomphante, et s’en écarte, tandis que sont refermées derrière elle les grilles de la porte Saint-Michel.
Le fracas s’étend et se maintient avec force sous les arches, fendant l’espace jusqu’au sommet de la puissante structure qui s’élève en coupole. Résonne l’écho, jusque dans la longueur visible des galeries. Les dorures brodées sur le tissu de sa robe beige se conjuguent à sa parure, se confondent avec l’éclat du lustre de cristal, majestueux, et se mêlent avec passion au rouge d’impérieuses bannières vaticanes, garnies du cercle des douze étoiles européennes.
Et le rythme de ses pas, aussi rapides que déterminés, retentit seul. Aucune des sculptures ni aucun relief, à l’exécution magistrale, qui ornent les murs de la galerie empruntée, ne la fait ralentir. Ainsi elle se dirige vers une porte double, ralentit à son approche.
Dans un silence absolu, elle saisit puis tourne la poignée de céramique. À l’ouverture s’échappe le son d’un piano. Ténue, à l’accent familier et cependant inédit – quelque peu dramatique – la mélodie s’arrête subitement. Et, imitant l’interruption, en modérant le tumulte de sa marche, la jeune femme poursuit, jusqu’à parvenir devant la porte de ladite pièce émettrice. Entrouverte, elle est du même papier peint blanc au relief floral, des mêmes moulures de marbre que le reste du petit vestibule.
Elle se tient là quelques instants, pareille à une enfant qui ne désire être découverte, tentant de percer l’obscur mystère inhérent au jeu depuis sa reprise, avant de pousser avec prudence la porte d’entrée du bureau, de l’homme qui se dévoile.
Il est environ deux à trois fois son aîné, svelte et peu barbu. Il porte une chemise assortie à son pantalon ardoise et une veste de costume blanc cassé au col sophistiqué, montant et retombant, du seul côté droit. Assis au fond à gauche du bureau, face au piano, il marque un léger arrêt, avant de laisser ses mains pianoter à nouveau. La jeune femme ne bouge plus, est captivée par cet air qui l’envoûte ; lumineux, après une transition plus brutale que la première. Elle n’ose le déranger davantage. Elle reste là quelques instants, avant de finir par sortir de son état de torpeur.
Elle jette son dévolu sur l’écran à son poignet et, sachant alors avec certitude le temps compté, se décide à rompre l’harmonie de la douce nuit et de l’homme pensif.
« Père ? » demande-t-elle faiblement.
Elle attend, mais ne peut que noter son absence de réaction, avant de joindre ses mains. Elle fait un pas vers lui.
— Père ? répète-t-elle de façon plus certaine.
Alors, celui-ci entame la conclusion de son instant mélomane.
Il adapte sa gamme, va peu à peu à la rencontre de celle des mots de sa fille.
— Roselyna ? répond-il sur un ton plus délicat, tandis que vibre l’ultime note : une dont l’intrigante beauté est gâchée par l’hésitation due au léger tremblement de sa main.
Les yeux de Roselyna se voilent de sa singulière incompréhension.
Plus tendu qu’à l’accoutumée, l’homme se lève et saisit sa canne, jusqu’alors en équilibre contre le Steinway & Sons noir. Il regarde sa montre, puis il saisit son petit étui à cigarettes, dont l’élégant placage est assorti à celui du bâton. Enfin, il se détourne du rebord, de sorte à scruter par la plus grande des fenêtres.
Celui-ci réajuste son col tandis qu’il chemine vers son bureau.
Attachant son bouton, il déplace la chaise roulante de son pied gauche.
— Tout s’est bien passé ? s’enquiert-il, avant de plonger dans ses documents.
— Oui, père. Son éminence… prononce-t-elle avant de s’arrêter, faute de capter son attention.
Le premier hausse les sourcils, pour lui communiquer sa nette incompréhension, avant de poursuivre son activité d’ordonnancement.
— Son éminence, monseigneur Araújo, dit être satisfait de sa visite… Je… sourit-elle. J’ai pensé qu’il ne partirait qu’à l’aurore, ajoute-t-elle, d’une voix aussi emprunte de fierté que d’une lassitude plus marquée, presque vexée. Il était passionné !
— Hmm… répond-il, fronçant plus durement les sourcils. Et quant au portrait… ?
De l’emphase, la jeune femme est surprise, hésite à prendre du retrait.
— Antoní ne m’a donné aucune réponse depuis… s’arrête-t-il.
Il se redresse, observe l’écran à son poignet. Il consulte son flux de discussions.
— Le début d’après-midi, affirme-t-il d’un timbre puissant, presque inquisiteur.
Elle pâlit, puis gesticule avant de rougir, toujours aussi inexplicablement.
— Je… je suppose qu’il était trop occupé par son œuvre pour prendre le temps de vous répondre, père… affirme-t-elle, ne pouvant s’empêcher d’esquisser un sourire maladroit.
Ses mains se joignent dans un mouvement ininterrompu, telles les deux témoins de sa meilleure volonté. Il s’arrête et inspire, réajustant sa veste et rompant le mouvement dans un geste assez solennel, tandis que ses doigts se déploient pour saisir la partie inférieure du plan du bureau, sur lequel il s’appuie.
— Je sais l’intérêt de cette pièce, Roselyna… prononce-t-il en relevant la tête avant d’user ses bras pour quitter sa posture, puis de les croiser cependant qu’il se tourne vers la fenêtre. Et j’attends de mon restaurateur en chef qu’il me transmette l’état de son avancée, quand je lui demande, énonce-t-il, se retournant vers sa fille. Pourquoi souris-tu… ?
— Vous… vous l’auriez vu, père… Une fois l’œuvre arrivée dans sa division, son visage s’est illuminé ! déclare-t-elle, appuyant son enthousiasme d’un regard d’admiration communicatif, mais non dénué d’une certaine humilité.
Celui-ci sourit et durcit à nouveau, avec une rapidité déconcertante, son expression.
— Je ne peux me permettre d’ignorer les faits qui se déroulent dans mon musée, dit-il, tirant légèrement sur le bas de sa veste, le menton faiblement avancé. Tu connais pertinemment le caractère, l’impatience, l’exigence, de nos mécènes, affirme-t-il alors que son regard plonge sur ses documents.
Il remue quelque peu, hésite à choisir lesquels emporter.
Roselyna ne sait quoi répondre, passe sa main gauche sur son avant-bras droit.
Finalement, il s’arrête face à elle, fronce faiblement les sourcils.
— Je le sais, trop bien, père… prononce-t-elle remuante. Pardonnez-le, s’il vous plaît… demande-t-elle en ajustant sa main. Il semble… commence-t-elle, tandis que s’entrouvrent à peine les lèvres de son père. Il semble distrait.
Celui-ci, l’air grave, se tait et poursuit le rangement de ses documents.
Une fois terminé, il ne peut s’empêcher de rompre la dureté de son expression ; ses yeux se plissent et scintillent quelque peu, avant que son regard ne plonge sur l’ultime feuillet, disposé sur le bureau. Roselyna, l’air moqueur, confuse, gênée, place son attention sur ses propres mains. Son père, fébrile, relève la tête et hausse lentement les sourcils.
— J’espère que le message est clair, Madame la Coordinatrice.
— Oui, très clair, Monsieur le Conservateur…
Il l’observe, celle-ci portant son attention sur ses mains jusqu’aux plis de sa robe.
— À ce propos ! lance-t-il d’un ton plus chaleureux, as-tu achevé les préparatifs pour ton voyage, en Écosse, comme il se doit… ? demande-t-il, et tout à coup confus, puis trouvant enfin ce qu’il cherchait.
Il dépose la chemise isolée sur la pile, puis se baisse pour saisir sa serviette. Son mouvement laisse transparaître la légère douleur qui émane de sa jambe gauche, tremblotante.
La jeune femme ne peut s’empêcher de faire un pas vers son père, sa main gauche se tendant vers lui.
— Vous auriez dû me demander de la prendre pour vous ! dit-elle.
Il se racle la gorge, puis se met à tousser franchement.
— Inutile, Roselyna, affirme-t-il en rougissant.
— À… à vrai dire, je n’ai encore rien organisé, je… j’aurai tout le temps de m’en occuper, ne vous en faites pas, poursuit-elle, après avoir replacé une mèche de ses longs cheveux bruns bouclés derrière son oreille gauche…
Il ne prend pas la peine de lui répondre et inspecte une dernière fois son bureau, sans réelle conviction.
— Je suis prêt, allons-y, commande-t-il après avoir rangé son stylo dans la poche de sa veste et poussé un discret soupir. Promets-moi de ne pas trop repousser ton organisation, ajoute-t-il, tandis qu’ils quittent ensemble le bureau et la pièce juxtaposée.
— Oui, père, acquiesce-t-elle, ouvrant la double porte du côté droit, et la lui tenant avant qu’il ne la maintienne de sa canne.
— Merci… Tu… tu ne connais que trop bien l’importance de cette traversée, poursuit-il, se rétractant d’une drôle de manière, plus appuyé sur sa jambe que sur sa canne.
Une fois au centre du cabinet, il se tourne à nouveau vers elle, lui offrant un regard aussi aimant qu’attentiste, puis qui se révèle tranchant.
Elle referme la porte. Ses yeux semblent vides de toute envie.
Encore déboussolée, elle se hâte de rattraper le vieil homme.
— Je… me suis renseigné sur la collection de Sir Ó Gormáin aujourd’hui, dit-elle parvenant à ses côtés, sans qu’on ne puisse détecter en elle la moindre fébrilité. Il semble que ses pièces soient loin d’entrer dans le cadre de nos collections… poursuit-elle.
Elle n’obtient aucune réponse, puis observe son père, cherche vainement sur lui le début d’une explication. Il s’arrête, se tourne vers elle et dépose sa main sur le haut de son bras.
— Roselyna, sa collection rassemble des œuvres insulaires… de Grande-Bretagne, d’Irlande, répond-il, sèchement, tandis qu’il se remet à marcher. Je te l’ai déjà dit… ajoute-t-il.
Roselyna le suit mais ralentit le pas, semble hésitante. Bien que s’aidant de sa canne, l’homme est assuré et progresse plutôt rapidement.
— Ne t’en fais pas, je suis certain que nous y trouverons la marque du Seigneur !
La voix du Conservateur résonne dans la galerie. Elle sourit, avant de presser à nouveau le pas. Il finit par se tourner vers elle, tout en continuant à marcher.
— Qu’y a-t-il ? demande-t-il, s’apercevant de l’expression pensive de sa fille.
Il s’arrête doucement, se tourne davantage vers elle.
Elle replace rapidement ses cheveux, fronçant les yeux.
— J’ai pensé que vous…
Les yeux de l’homme alternent de droite à gauche dans une lutte constante, à la durée indéfinie ; l’expression de la jeune femme traduisant peu à peu son sentiment, à la croisée de l’amusement et d’une gêne irritante. J’ai… j’ai pensé que vous me laisseriez davantage la main quant à nos acquisitions durant ce voyage, affirme-t-elle.
Il la regarde, semble ne pas comprendre.
— As-tu quelque chose en tête… ? demande-t-il, moins stable.
Il invite sa fille à le suivre, son pas étant plus timide que la posture de cette dernière. Le rythme se réchauffe tandis qu’elle parvient à trouver les mots.
— Non, rien de… rien de très précis… dit-elle, serrant les lèvres. Mais, je suis certaine… de trouver des acquéreurs… et dans un délai raisonnable.
Il s’en étonne, poursuit sa marche et, pour toute réponse, se tourne d’un quart vers elle.
Celle-ci le rejoint, ayant pris un peu de distance après avoir joint ses mains.
— Pour tout vous dire, père, je pense que vos relations limitent nos activités… Il y a tellement d’œuvres que vous bannissez de notre catalogue… ajoute-t-elle. Certaines pièces de Ó Gormáin sont très modernes et, néanmoins, très intéressantes… !
Il ralentit doucement, songeur, se tourne vers elle.
— Nos choix ont toujours porté leurs fruits, tout comme tu ne les as jamais discutés, jusqu’à cet instant. Je ne comprends pas, ajoute-t-il, tandis qu’il se remet à marcher.
— Père, vous… vous ne comprenez pas…
Celui-ci continue à marcher, tandis qu’elle reste plantée.
Quelques mètres les séparent, à présent.
— Je… j’ai pensé que vous me laisseriez prendre totalement la main sur cette affaire, prononce-t-elle, assurément ; avant d’être, en l’espace de quelques secondes, de nouveau hésitante. Vous… vous avez dit que nos choix ont toujours été couronnés de succès, poursuit-elle d’une voix qui se réaffirme, mais vous savez qu’il s’agit des vôtres… laisse-t-elle retomber.
Du ton employé, de l’orientation de la discussion, son père ralentit, passe sa canne à gauche, tourne à nouveau la tête, d’un quart vers elle.
— Je… hmm… je comprends, répond-il.
Il l’observe, puis jette son dévolu sur le tapotement de son doigt sur le pommeau de sa canne.
— Vous comprenez ? demande-t-elle, ne parvenant à cacher son étonnement – les mots résonnent et se voient, après quelques très brefs instants, conférer la saveur d’un enthousiasme aussi libérateur que dictateur, et réciproquement troublant, qui ne sauraient, cependant, s’achever sur une autre appréciation que celle promise : teintée d’une méfiance brutale. Contrit, il relève rapidement la tête et se tourne vers sa fille tandis que trépignent ses lèvres de prononcer, avant qu’il ne retienne son élan.
— Hm, oui ! Absolument…
— Je… j’ai très envie de vous prouver, de me prouver, que je peux accomplir de grandes choses… sans toujours dépendre de vos conseils, de votre approbation, ajoute-t-elle, ajustant légèrement ses mains.
Le visage du vieil homme se ferme. Il ne dit rien, se détourne, puis se met à marcher vers le buste à quelques mètres sur sa droite. Il s’y arrête, s’appuie davantage sur sa canne.
— Roselyna, tu accomplis de belles choses ici à mes côtés, prononce-t-il, à demi-mot, se détournant de l’œuvre ; il s’avance quelque peu, fébrile.
— S’il vous plaît, promettez-moi d’y réfléchir, ajoute-t-elle.
Elle détourne le regard, replace ses cheveux, avant de s’avancer vers lui et de placer ses deux mains sur la sienne.
— Vous savez à quel point je suis attaché aux œuvres rassemblées dans ces galeries, répond-elle, d’un air entendu, révélateur de son désir de ne pas perdre la main.
— Mais ? propose-t-il, se détournant légèrement sur le côté droit.
— Mais, tout ce qui est ici est notre perle… affirme-t-elle, retirant ses mains de la sienne.
Elle cherche son accord dans son regard tandis que celui-ci le fronce doucement en se redressant, couvre sa main sur le pommeau de la seconde.
— Je… je veux m’atteler à la création de ma propre entreprise… déclare-t-elle.
Elle pâlit quelque peu.
— Vous savez que…
— Ton entreprise ? la coupe-t-il ; mi-gêné, mi-amusé.
Elle le regarde, impuissante, et cependant, son expression devient peu à peu vindicative. Elle semble se moquer de ses a priori. Le visage de l’homme se relâche, avant de se durcir d’incompréhension – comme trahi. Il s’avance alors, d’une impulsion plus musclée.
— Ce n’est pas ainsi que je voyais ta prise d’initiative !
Il retire sa main, aussi prudent qu’hésitant, se remettant à marcher en direction de la sortie. Roselyna chasse le doute, et se remet en marche.
— Allez-vous y réfléchir, père ? assène-t-elle, la voix plus haute et qui s’agite jusqu’à la voûte.
Il se rétracte. Son expression change, pour traduire un agacement naissant. Il tourne le dos à sa fille, s’avance vers un des nombreux tableaux. Il contemple l’œuvre, inspire, évacue ainsi sa frustration, qui se mue en confusion, puis en agacement, tandis que se forme la veine sur sa tempe. Face à lui, une jeune et forte femme tient une palette et un pinceau. À son cou, est suspendu un collier de chaînes passablement grossières, qui retiennent une pièce en forme de visage ; presque humain. La contemplation semble l’apaiser, peu à peu. Il soupire, se tient droit, puis se tourne vers sa fille. Il hoche la tête tandis qu’il se repose, non sans demeurer maintenu, sur sa canne.
— Très bien, dit-il. Nous en discuterons demain. Je ne prendrai aucune décision irréfléchie, emphase-t-il.
Ainsi, il se remet à marcher, n’attend aucune réponse. Roselyna se décompose, cependant, que l’embout du bâton frappe la mosaïque à un rythme régulier.
— Oui… Vous aimez prendre vos décisions importantes le matin, je le sais, prononce-t-elle, irrévérencieuse.
Il s’arrête et se penche davantage en avant et repend sa marche. Non moins amère, la jeune femme s’active pour rattraper les quelques mètres qui les séparent. Elle parvient à son niveau, puis s’avance, à dessein, pour qu’il remarque l’inquiétude qui l’anime. Pour seule réponse, il passe son bras sous celui de sa fille, ne lui laissant pas le choix. Elle le regarde. Le père affiche un sourire satisfait. Elle ne peut alors s’empêcher de sourire à son tour.
Sur le parvis du musée, des étendards rouges et blancs, sur lesquels apparaissent des chrismes, viennent parfaire la très riche façade ; et, faute d’alpha et d’oméga, les lettres R et M sont inscrites promptement. Sur l’arc est gravée la devise latine : In legatione colligere magisteria ; et, plus haut, en lettres d’or, sont gravés les mots :
REVELATIO MUSEUM VIENNA.
À peine sortis du musée, le père dégaine son petit boîtier noir qui contient une petite dizaine de cigarettes.
— Ma chérie, voudrais-tu… ? lui demande-t-il, grommelant.
Sans réponse, il lui tend l’étui et, à contrecœur, Roselyna saisit une cigarette, la place entre les lèvres de son père… l’allume. Elle fait deux pas, en arrière.
— Ne croyez-vous pas que vous auriez pu attendre d’être chez vous, pour vous donner… corps et âme à ces… à ces saloperies… ? décroche-t-elle en lui jetant le boîtier, qui manque de finir par terre.
Il retire avec force sur sa cigarette et s’adosse contre la pierre.
— Fffff. Ne jure pas, tu serais forcée de faire pénitence, réplique-t-il d’une voix brumeuse.
L’homme tire de nouveau sur sa cigarette et présente à sa fille son air le plus narquois, tandis que la fumée sort de ses narines.
Elle, accueille son humour, comme un bol d’air frais, regarde le pavé et se redresse rapidement.
— Père ? lance-t-elle d’une voix forte, pour l’en dégoûter. Que vous arrive-t-il ? demande-t-elle d’un ton aussi faussement combatif qu’innocent. Celui-ci manque de s’étouffer ; il s’époumone, rougit à vue d’œil, tandis que les larmes lui montent. Il tousse à nouveau, avant de se ressaisir, avec difficulté.
— Tu… tu es bien meilleure actrice que moi, dit-il, le timbre rocailleux.
Il se remet à tousser.
— Ça ne fait aucun doute… dit-elle.
Il jette un œil vers la station d’hyperloop.
— Je vous entends répéter que vous préférez le terme hyper-boucle, lance-t-elle, cynique.
Un franc rictus apparaît, au coin de ses lèvres.
— C’est bien mieux comme ça, affirme-t-il, levant le menton – sarcastique.
— Non, père… c’est approprié, le taquine-t-elle.
— Hmm, oui… exactement, répond-il en reculant avant de finir par se moquer de son expression.
— Qu’ai-je dit… ? s’exclame-t-elle, plutôt rieuse.
Il la regarde, la mine caustique, lui montre du mieux qu’il le peut son incompréhension.
Elle le défie du regard.
— Je voulais dire que le renommer serait… comme… nous approprier son invention… d’une certaine manière… tente-t-elle, ses pommettes rougissantes.
— N’as-tu vraiment rien d’autre à raconter ? lance-t-il, hébété.
Elle le regarde, sidérée.
— Non ! Et, dois-je vous rappeler que vous avez relégué notre conversation à demain…
— Notre conversation… Je t’en prie.
Elle reste bouche bée, regarde autour et fait quelques pas, avant de se tourner à nouveau vers lui.
— D’accord, oubliez-moi, dit-elle en se retournant, avant de faire assez vite volte-face.
Son père lui sourit ; ses traits sont tirés.
Il se détourne pour observer les œuvres numériques, qui ornent les murs immaculés de la station. Son regard semble vide et son expression se fait chiche de la moindre information quant à ses impressions.
L’homme paraît perdu, seul, face à lui-même.
Roselyna, qui n’en tient pas compte, décide de s’évader : elle déclenche de la musique grâce à son bracelet connecté. Elle porte à son oreille droite un des écouteurs.
Chapitre 2
Le lendemain, en fin d’après-midi, Roselyna retrouve son père sur la terrasse du café, qui fait face au musée.
La grande terrasse est peu occupée. Les gens sont éparpillés et nombreuses sont les personnes seules. Elle revêt un tailleur italien, bleu pastel, et ne porte que très peu de bijoux. Arrivant près de la table, elle retire ses lunettes de soleil et se penche pour embrasser le « vieil homme ».
— Tu es en retard, ma très chère fille.
Elle se redresse et sourit.
— Moi aussi je suis contente de vous voir, dit-elle.
Elle rejoint sa place et dépose son sac à main à ses pieds.
Sur la table sont disposées une théière et une tasse.
— Qu’est-ce que cela ? demande-t-il, en désignant le cou de sa fille.
— Cela ? répond-elle, feignant maladroitement d’être offusquée, elle saisit le collier nacré entre ses longs doigts fins. C’est un cadeau !
— Aurais-tu… un admirateur ?
Il lui rend son sourire.
— Je n’en dirai pas plus, affirme-t-elle le regard pétillant tandis que sa main porte le collier à sa peau.
Elle se tourne pour observer la place, ferme les yeux et profite du soleil. Il savoure alors la beauté de l’instant, dégustant son café.
— As-tu lu ou entendu les dernières nouvelles ? demande-t-il.
— Je crains que non, répond-elle, se tournant brièvement, ne pouvant ouvrir qu’un œil.
— Les gardes-frontières ont subi de lourdes attaques durant la nuit… prononce-t-il d’une voix qui s’aggrave. Cela s’intensifie, Roselyna… Je suis inquiet…
— Mais nous… nous n’avons rien à craindre, père… j’en suis certaine. Que… que voulez-vous dire par « lourdes » se reprend-elle, plus soucieuse, l’observant saisir son étui.
— Il semblerait… s’arrête-t-il, empêché de poursuivre.
La porte du café vient de s’ouvrir et leur impose le chahut d’une fin de discussion, dans une ambiance des plus bruyantes, entre une femme et le propriétaire. Elle se clôt rapidement par la salutation d’un homme qui ne souhaite, semble-t-il, pas s’attarder, et qui ravale au mieux un ton qui se voudrait rassurant. Roselyna hésite avant de saisir sa tasse de thé. Il lui exprime son intention de reprendre, puis tire sur sa cigarette.
— Il semblerait que la frontière fut prise d’assaut en plusieurs points, reprend le père, tandis qu’il agite la main pour éloigner la fumée et lève les yeux vers ceux qu’il assimile comme un couple. La femme évite son regard, tandis que l’homme, plus hésitant, hoche à peine la tête en direction de la sortie. La jeune femme regarde son père, déterminé à fumer à la hâte, replace ses cheveux par-dessus son oreille gauche en reposant sa tasse.
Celui-ci attend quelques instants avant de lui servir un regard des plus vifs.
— Il… il semble que ces derniers s’avèrent faibles, énonce-t-il plus faiblement.
Elle souhaite acquiescer, mais ne sait en vérité que lui répondre.
— Pardonnez-moi, dit-elle enfin.
Il se penche sur la droite alors qu’il place entre ses doigts sa cigarette, presque totalement consumée. Roselyna prend un peu de recul et se penche à son tour.
— Vous voulez dire que nous sommes en danger… ? s’enquiert-elle – tout en s’y refusant réellement.
Alors, il saisit le journal déposé sur sa serviette et le lui tend, pointant du doigt un passage avant de s’enfouir lentement et gravement dans le col de sa veste.
— Plusieurs dizaines de morts, lit-elle sans y réfléchir, avant de s’en offusquer, d’avoir prononcé les mots de vive voix.
Le « vieil homme » se redresse, d’une façon pesante.
— Mon dieu… jamais cela ne s’arrêtera… tente-t-elle de conclure.
— Tu sais bien que non, ma chérie, finit-il par répondre.
Elle cherche dans les yeux de son père le soupçon d’un sentiment rassurant, avant de jeter son dévolu sur la suite de l’article. Le regard assombri, son père remue sur sa chaise.
— L’archevêque de Vienne demande assistance au Saint-Siège, lit-elle, interloquée.
Il place ses paumes sur la table et acquiesce.
— En effet, oui. Il semble que nos défenses tombent réellement en ruine… Il est plus que temps pour la Curie de prendre des mesures ! s’exclame-t-il, faisant ressurgir dans son ton et sur son visage un sentiment d’indignation, maintes fois éprouvé. Ces barbares ne… poursuit-il, roulant les mots d’un accent plus méditerranéen qu’autrichien.
— Cela fait des mois que des rumeurs circulent, le coupe-t-elle, et lui rendant son journal, traité comme un objet néfaste – et pourtant assez quelconque.
— Oui… oui. J’espère… j’espère avoir écho des prochaines discussions, affirme-t-il, abaissant le volume de sa voix, d’une manière plus contrainte que désirée.
La jeune femme acquiesce humblement, par deux fois, et se sert timidement une tasse de thé. L’homme jette sèchement le journal près de sa sacoche – émane du geste une certaine violence. Sa posture devient lourde, son menton s’oriente vers le bas. Roselyna, qui le regarde, est déboussolée, avant d’être submergée par une vague d’émotions et de souvenirs. Elle se fige, ses yeux se mettent à luire. Elle repose sa tasse, serrée entre ses deux mains, avant d’aller saisir celle de son père. Celui-ci, qui relève la tête, tente de dissimuler les fines larmes apparues au bas de ses yeux bruns. Elle lui sourit et, chancelante, lui frictionne la main. Elle cligne lentement des yeux, refusant de pleurer à son tour, de pénétrer dans les profondeurs d’une dimension aussi terrifiante qu’encore terriblement vive…
Le vieil homme place sa main gauche sur la sienne. Son visage, lourd, se mue tandis qu’il couvre et serre la main de sa fille. Il est un homme si souvent doux et aimant, à la fragilité aussi peu perceptible que pourtant marquée d’une souffrance – infinie. Il tourne légèrement la tête vers la gauche, serre les lèvres et brise le lien qui l’unit à sa fille. Roselyna, qui ne parvient à demeurer stoïque. Émue, elle se replace sur sa chaise, essuie ses yeux de la paume de ses mains.
— Poursuivons notre discussion d’hier soir, veux-tu… ? demande-t-il, la voix fébrile.
Elle acquiesce, intériorisant et comprenant, s’il était possible, leur soudaine fragilité.
— Oui… dit-elle alors, ne pouvant s’empêcher d’observer autour d’elle, jusqu’à écarquiller puis cligner des yeux.
— Qu’envisages-tu, réellement, pour la collection de Sir Ó Gormáin ? poursuit-il, en saisissant la cigarette déposée sur le cendrier.
Elle inspire et avance ses mains tandis qu’il la porte à sa bouche et tire sur la cigarette, consumée, qu’il écrase dans le cendrier.
— Très bien, dit-elle en joignant ses deux mains. Cela fait, quelques mois, que j’y réfléchis, pour tout vous dire, lance-t-elle, inquiète de la réaction de son père.
— Rien de moins ! s’exclame-t-il, sincèrement étonné, positif, avant de rougir et de tousser avec force, rapprochant son coude.
Elle acquiesce brièvement, ramène ses mains à l’intérieur de ses bras.
— Lors de mes voyages, que ce soit dans l’intérêt du musée, ou dans le nôtre, j’ai… plusieurs fois envisagé d’étendre nos activités…
— C’est une idée, dit-il, la cherchant dans son regard.
— Alors, voilà…
— Une idée, ma foi, plutôt bonne, reprend-il, souriant.
— Je… je rêve de créer une véritable collection privée, d’art contemporain, de tous horizons !
Il joue la surprise, ses sourcils s’élevant dans un mouvement qui semblerait sans fin
— Tu m’en diras tant ! s’exclame-t-il alors qu’il saisit sa tasse et recapte à la hâte l’attention de sa fille. Je te sais compétente, réfléchie… mais je ne te savais pas ambitieuse… propose-t-il en se penchant vers elle, les yeux ronds.
Il porte à ses lèvres la tasse, qu’il ne compte reposer qu’une fois vide.
— Vous vous méprenez, père, affirme-t-elle, tandis que l’extrémité de ses lèvres s’élève légèrement à sa gauche.
Il se fige, croise les bras avant de se mettre à remuer.
— Prouve-le-moi, rétorque-t-il.
Il sourit, mais ne parvient qu’à être maladroit. Elle s’arrête, nettement.
— Pardon, je t’écoute. Continue, ajoute-t-il avant de se racler la gorge.
Roselyna se met à sourire, de toutes ses forces. Elle est emplie d’une forte énergie, mais semble éprouver la plus grande difficulté à la traduire, aussi bien dans ses gestes que dans ses paroles. Enfin, elle replace
