Novak Djokovic incassable
Par Cédric Drouet
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À propos de ce livre électronique
Dès son enfance, Djokovic a dû affronter les ravages de la guerre dans une Yougoslavie en lambeaux disloquée par des dirigeants sanguinaires. Une épreuve qui a forgé sa détermination et sa résilience. Une fois passé tennisman professionnel, malgré des blessures physiques et un manque de reconnaissance comparé à ses illustres rivaux, Roger Federer et Rafael Nadal, « Nole » a persévéré dans son insatiable quête de records. La pandémie mondiale de Covid-19 a confronté Djokovic à de nouveaux défis mais le « Sisyphe des Temps Modernes » n’a jamais renoncé, même quand tout semblait perdu. À travers le fil rouge de sa mythique victoire à Wimbledon en 2019 face au Suisse Federer, ce livre vous emmène au cœur d’un voyage émotionnel sans précédent dans l’histoire du sport : la vie de Novak Djokovic. (Re)découvrez les doutes, les sacrifices et les victoires inoubliables qui ont conduit l’enfant chéri de Kopaonik à devenir le «GOAT», le plus grand joueur de tous les temps. Jamais l’ascension d’un athlète au somment de la hiérarchie mondiale n’aura été à ce point contrariée par les marqueurs de son époque. Son destin hors du commun a fait de « Djoko » un symbole d’espoir et de fierté pour toute une nation désireuse de faire table rase du passé et soucieuse de s’ouvrir sur le monde : la Serbie
À PROPOS DE L'AUTEUR
Journaliste depuis 2001, Cédric Drouet est passionné de tennis et… amoureux de Novak Djokovic. D’abord rédacteur de presse écrite, il a travaillé pour le quotidien régional Midi Libre puis les sites de médias nationaux (Sport24 / Le Figaro, Sport 365) avant de devenir commentateur sportif spécialisé dans le football (Orange, PSG TV, DAZN, FIFA+). Résident en Angleterre depuis 2012, il y poursuit sa vocation au sein de l’agence de presse britannique Stats Perform.
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Aperçu du livre
Novak Djokovic incassable - Cédric Drouet
Chapitre 1
« TOUT ARRIVE POUR UNE RAISON »
FEDERER : 20 – NADAL : 19 – DJOKOVIC : 15
WIMBLEDON 2019.
Un doigt. L’index gauche. Levé vers le ciel. Vers l’éternité ? Pas sûr. Les manches de sa chemise blanche Ralph Lauren parfaitement retroussées, le col classique ouvert au premier bouton. « So casual ». Tellement britannique. Sa main droite tient fermement son smartphone. Prête à dégainer. Djokovic est dans les cordes. Le K.-O. est proche. Il faut l’achever. Un dernier uppercut. Elle le sait. Elle le dit. Une manière d’incantation. Quelque chose comme un ordre, intimé à Federer.
« One more point ! One more shot ! »
Ses lunettes de soleil noires solidement accrochées dans ses cheveux blonds mi-longs. Une version anglaise de Valérie Pécresse. Le sourire Colgate est franc, mais carnassier. Limite narquois. Le félin va engloutir l’antilope. Elle est debout. Évidemment. Ils sont tous debout. Quinze mille spectateurs sur le central de Wimbledon. Le temple du tennis. « Le court le plus sacré de notre sport », selon Djoko. Quinze mille personnes en transe. La transe, en Angleterre, ça se traduit par « applaudissant poliment le champion suisse » qui se procure deux balles de match sur son service. Pourtant, le bruit est sourd. Un bourdonnement infernal. Impossible de penser dans ce vacarme caverneux. Cet insupportable brouhaha. S’entendre penser ? Une tannée. La cuvette prête à rugir.
À quoi pense Novak ? La BBC ne le montre pas. Il n’existe pas. Il n’existe plus. À quoi bon effacer des tablettes un joueur qui n’y figure pas ? 15 Grands Chelems, c’est grand. C’est un de plus que l’immense Pete Sampras. Mais pour elle, comme pour tous les « Federistes », 15 Grands Chelems, ça ne compte pas. C’est « peanuts ». 20 Grands Chelems, c’est mieux. 21, dans quelques secondes. Roger est devenu « Rodgeur » depuis si longtemps. Qui se souvient de Roger ? Mais si, Roger. L’ado mal dégrossi au prénom francisé qui fracassait ses raquettes de rage en 2001. Helvète Underground.
Alors, elle lève son index gauche. « Sky is the limit. » Elle, c’est la « Finger Lady ». La supportrice anonyme de Roger Federer devenue iconique. Sur YouTube, un personnage animé. Sur X, un mème. Un running gag. Un kif. Une « private joke », plus célébrée que moquée par les « Nolefam¹ » à intervalles réguliers. Monsieur est Serbie. Madame asservie. La madeleine de Proust version Tories. 100 % Brexiteer. Middle-class. Middle-aged. C’est une « Karen ». Hautaine, confiante. Un tantinet prétentieuse. Jules César baissait le pouce. Elle lève l’index. Le gladiateur serbe est condamné. Direction, la fosse aux lions. L’oubli. Deux sets partout. 8-7, break, Federer. 40-15. C’est terminé. Enfin, presque.
Novak Djokovic a pris l’habitude de goûter au gazon de Wimbledon après ses grandes victoires à Londres.
Et ça, Mirka le sait. Mirka, c’est Miroslava Vavrincová, ou Vavrinec. « Épouse Federer » depuis le 11 avril 2009. Née 31 ans plus tôt à Bojnice, dans ce qui deviendra la Slovaquie le 1er janvier 1993, trois ans après la Révolution de velours menée par le dissident Václav Havel. On disait encore Tchécoslovaquie. Nationalité : Suisse. Trois noms, trois pays. Une certaine idée du bloc de l’Est.
Alors âgée de 2 ans, Mirka émigre en Suisse avec sa famille en 1980. Cinq ans avant la « glasnost » et la « perestroïka » de Mikhaïl Gorbatchev, l’ex-URSS s’essouffle et les frontières deviennent poreuses dans ses dépendances communistes. La République socialiste tchécoslovaque ne fait pas exception. Le pacte de Varsovie et les répressions du Printemps de Prague semblent bien loin. Milan Kundera est à la mode. La « Finger Lady » a-t-elle lu L’Insoutenable légèreté de l’être ? On dirait une définition du Petit Larousse.
•Roger Federer (n.) : « L’insoutenable légèreté de l’être ».
Acrobate élégant et voltigeur. Style délié, facile. Talentueux. Il a transformé le tennis. Aujourd’hui encore, les amoureux de Federer évoquent « sa trace ». Un dernier argument lancé par dépit dans la conversation du GOAT, « The Greatest of All Time ». Sa trace. Quelle trace ? Celle qui ne comptait pas encore, dans les années 2010, quand le Suisse détenait des records affolants que l’on croyait alors indépassables ? Ou celle qui ne comptait plus vraiment, en juin 2022, jour d’un quatorzième sacre de Rafael Nadal à Roland-Garros, synonyme de 22 Grands Chelems pour le « Taureau de Manacor » ? Nadal couronné. Djoko ? Encorné. Désincarné.
La faute à ce foutu « gentleman agreement ». En un mot : « Fedal ». Contraction de Federer & Nadal. Le concept : Novak Djokovic est tellement fort qu’une alliance est formée.
Lucas & Nathan Scott fraternisent pour faire triompher les Ravens de Tree Hill. Sangoku & Vegeta unis sur Namek pour taper Freezer. Apollo Creed & Rocky Balboa s’allient pour boxer Ivan Drago hors du ring. Creed y laissera la vie. Federer, son genou droit. Nadal, on ne compte plus. Olivier Atton & Mark Landers, ensemble pour éparpiller façon puzzle la terrible Mannschaft de Karl-Heinz Schneider. Michael Scofield & Alex Mahone brainstorment pour s’évader d’une prison au Panama. Vous avez compris l’idée. La génération Y aura compris l’idée.
Une rivalité qui mute en amitié. Médiatique ? Digitale ? Marketée ? Surjouée ? Simplement sincère. En tout cas, facile à dater. 2010, à Cincinnati, pendant le tournage d’un spot pour le Match for Africa opposant les deux protagonistes, à l’initiative du Crédit Suisse et de la Fondation Roger Federer. Tout part d’un clip de teasing banal. Un dialogue épuré, en anglais.
« Rafa, qu’est-ce que tu vas m’offrir à Noël ? »
« Je vais jouer un match pour ta fondation. Et toi, Roger, qu’est-ce que tu vas m’offrir ? »
« Je te laisserai le premier set. »
De la bonne promo, on ne va pas se mentir. Pas du Audiard, mais ça fonctionne. Oscar Sisto valide l’impro. Réglé en trente secondes chrono. Sauf que tout dérape. Nadal en anglais ? Plus « vache espagnole » que « Taureau de Manacor ». Le Bâlois s’esclaffe. « Il faisait chaud, et l’accent de Rafa… On a merdé. On a rigolé comme des imbéciles pendant vingt minutes. À la fin, on n’en pouvait plus », verbalise l’ex-n° 1 mondial. Le pacte de non-agression est ratifié. La hache de guerre enterrée.
ROLAND-GARROS 2010.
FEDERER : 16 – NADAL : 9 – DJOKOVIC : 1
Rafael Nadal est proche de signer son unique Petit Chelem en carrière. Novak Djokovic ? Annus horribilis. 0 Grand Chelem. 0 Masters 1000. Sorti par le Belge Olivier Rochus, un Xavier Malisse du pauvre, au deuxième tour à Miami. Battu sans gloire par Fernando Verdasco, un Rafael Nadal version bêta, coup sur coup à Monte-Carlo puis Rome. Dévasté par sa défaite contre l’Autrichien Jürgen Melzer, un Dominic Thiem du précaire, en quarts de finale à Roland-Garros. Comble de la faillite mentale et/ou physique, dans ce match, Novak a mené 2 manches à 0 avant de s’effondrer (6-3, 6-2, 2-6, 6-7, 4-6). En 2020, il admettra : « Cette défaite a été très difficile pour moi sur le plan émotionnel. J’ai pleuré après avoir été mis K.-O. C’était un mauvais moment, je voulais arrêter le tennis. Je voyais tout en noir. »
« Roland », cimetière des bébés éléphants. Des mots en écho à ceux d’un Roger Federer vierge de tout Grand Chelem et piteusement concassé par le Péruvien Luis Horna au bord du périph’ en 2003 (7-6, 6-2, 7-6). Grosse déprime. Ce syndrome de l’imposteur qui déçoit ses proches, les médias, les supporters. Une pression trop lourde à supporter pour un jeune homme normal qui devrait draguer la barmaid du Queen plutôt que s’échiner six heures par jour sur cet inextricable rectangle de sable. « J’ai craqué mentalement, explique Federer. Après la perte du premier set, je me suis dit que même si je gagnais les trois manches suivantes, il me faudrait encore six matches, donc dix-huit sets de plus, pour remporter le tournoi². » Grimper le Kilimandjaro en claquettes Havaianas ? Un vertige sur l’escabeau. Le mal de mer en pleine piscine. Verbaliser ses peurs. Tellement libérateur. Un mois plus tard, le Suisse marche sur Wimbledon. En finale, il écrase Mark Philippoussis. Ce jour-là, Mark Petit Poucet. Federer enchaînera seize titres et six finales sur les vingt-sept Grands Chelems suivants ! Horna/Federer, Melzer/Djokovic : deux camouflets à Roland-Garros, deux déclics salutaires. La tectonique des claques.
C’est plein de chlore au fond de la piscine,
J’ai bu la tasse tchin-tchin.
Pas si fou, Afflelou. Coupable désigné ? Ce grand champignon de Todd Martin. Le coton-tige américain a modifié le geste au service d’un pantin quasi désarticulé. Un bras roulé déstructuré qui expose le jeune serbe à tous les vents. Des doubles fautes par wagon. Break sur break. Beaucoup de défaites. Découverte du golf. « Je croyais que c’était le sport le plus ennuyeux du monde. Désormais, c’est ma plus grande passion. » Quel handicap ? « Handicapé », répond le plaisantin, pas étouffé par la bien-pensance. Entre deux eagles, fin de la collaboration avec Martin. Bye Bye Birdie.
Bref. Une poussière dans l’œil de ces embryons de « Fedal ». « Nole » divertit l’assistance avec des mimiques de Sharapova et de… Nadal. Le « Djoker » amuse la galerie. Imiter les autres pour se trouver soi-même. Faire rire pour être pris au sérieux ? Pas de quoi s’inquiéter. Qui se souviendra de lui dans quinze ans ? On ne le range même pas dans la catégorie des Kafelnikov, Muster, Ferrero ou Roddick. En 2010, Djokovic n’a toujours pas été n° 1 mondial. Comment le pourrait-il avec deux mutants qui survolent le classement ATP ? Pour le moment, c’est un Thomas Johansson. Un Gaston Gaudio. Un Goran Ivanišević, sans le service de mammouth. Mais avec les mêmes tendances borderline.
Dans le rôle du « méchant », Rafael Nadal a donc bien la tête de l’emploi. L’homme à abattre. L’ennemi public n° 1. L’Espagnol est une menace de plus en plus sérieuse pour la « secte Federer ». Passe encore le crime de lèse-majesté à Wimbledon 2008, et sa victoire en cinq sets face à Roger, co-vainqueur moral de ce Voyage au bout de la nuit (6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7). Nadal a braqué le match du siècle. Le gazon est ralenti. Wimbledon, pour un peu, est un tournoi de terre battue. Et puis, à l’époque, ni TikTok ni Instagram. Et surtout, pas de X. Ou si peu.
L’amour est comme l’oiseau de Twitter.
On est bleu de lui, seulement pour 48 heures.
D’abord on s’affilie, ensuite on se follow.
On en devient fêlé, et on finit solo.
L’écosystème de la petite balle jaune bruisse vaguement de certains commentaires inquisiteurs sur la taille de son biceps gauche, sublimé par ce look singulier : bandana vert pomme, marcel assorti, pantacourt kaki. Une sorte d’enfant illégitime de Hulk Hogan époque WWF et Mouss Diouf dans La Ferme Célébrités. Gérard Vivès dans Les Filles d’à côté. Les mêmes serviettes trempées au changement de côté. Coup droit lasso. « Baraque », au bas mot.
OPEN D’AUSTRALIE 2009.
Nadal n’est pas encore « Rafa ». Pas assez sympa. Ses muscles saillants exaspèrent les fans de « Rodge ». Et les médias, fans de « Rodge », surtout fans des fans de « Rodge ». Le tennis, c’est la Star Academy, sans Maître Simonin : le public a toujours raison. Et le public est suspicieux. Le 1er février 2009, la bascule à Melbourne. Sur Eurosport, pas France Télé. Federer, héros déchu. Soûlé de « winners » par son némésis. Soixante-quatre parpaings pour « Fed ». Une habitude. Quarante-quatre pour Nadal ! Sur dur ? La marmotte, le papier alu : « Mirka », tendrement chocolat. L’heure est aux marrons, pas exactement une spécialité suisse ce jour-là.
La cinquième manche est une torture. Les folles cavalcades de l’Espagnol en fond de court font disjoncter Federer. Nadal court comme sur PlayStation. Naissance du Virtua Tennis sauce ATP. Asphyxié, cuit à l’étouffée, Federer inscrit deux petits jeux. La balle de match est un supplice pour les adorateurs du « Maestro » : cinq pralines en coup droit. Nadal en ramène quatre, comme un cabri cabotin qui aurait avalé Zébulon dans Le Manège enchanté. Le dernier est trop long. Out. Roger, perdant plus vraiment magnifique, attrape le Tournicoti. Les jambes en Tournicoton (7-5, 3-6, 7-6, 3-6, 6-2).
La cérémonie d’après-match fait vriller sa fanbase.
Polo Nike bleu roi maculé de sueur, il ne trouve plus les mots.
« Je vais essayer de dire quelque chose. Oh, mon dieu, ça me tue. »
Livide, Federer en sanglots. Spoiler alert. Aucun journal ne titrera : « Les larmes de Federer étaient-elles sincères ? » Peu hâbleur, mais à plat. Blafard, pas bluffeur. Nadal, matador mate à mort. Il ne manque que « PPDA » pour arbitrer cet ersatz de débat Tapie vs Le Pen. La vie de pacha pour Rafa, nimbé dans son sweat Nike rouge sang, Virgule au cœur, scapulaire noir sur le torse. Un vizir. Il prend son trophée et enlace de son bras gauche supersonique le cou de son adversaire, petit télégraphiste sonné pour le compte. Ce bras gauche, si souvent tourmenteur, soudain salvateur. Le public australien acclame ce moment de fair-play. Mais en coulisses, beaucoup fulminent. Novak Djokovic, en 2009, n’est qu’un clown mal grimé, sous-payé pour animer le goûter d’anniversaire du petit dernier. La plèbe a besoin d’un punching-ball. Nadal va déguster. En l’an-XIV avant « Dj-C », le câlin passe mal. Les mêmes qui crient à l’hypocrisie, à l’entreprise de communication, viendront poster sur les highlights vintage YouTube quelques années plus tard. « Ce qui m’a frappé lors de cette cérémonie, c’est la gentillesse et la bienveillance de Rafa. Il craignait presque de montrer trop de bonheur et de profiter de son moment, en déférence à la misère de Roger. Quel grand homme de classe ! », écrit un certain « Trent8002003 », lyrisme chevillé au corps.
Il y en a qui contestent,
Qui revendiquent et qui protestent.
Moi je ne fais qu’un seul geste.
Je retourne ma veste, je retourne ma veste,
Toujours du bon côté.
Car en 2009, l’atmosphère est accusatrice. Comment Nadal peut-il courir aussi vite ? Aussi longtemps ? Pour certains, on dirait le lapin Duracell sous Berocca. Comment ce pur terrien peut-il faire exploser Federer sur dur, alors que ce dernier vient d’enquiller trois Open d’Australie en cinq ans et cinq US Open consécutivement ? Comment ce « bourrin » peut-il dompter, sur herbe, le quintuple vainqueur de Wimbledon (2003-08) ? Pour les « Federistes », c’est louche.
On cherchait « PPDA » ? Il arrive. Enfin, pas lui, mais sa poupée siliconée. Les Guignols de l’Info visent Nadal. « Dura Lex, Sed Latex. » La bande à Dutemple ferait presque passer Marco Pantani pour un enfant de chœur. Les champions espagnols dans l’œil du cyclone. L’Ibère est rude. En écho à la suspension d’Alberto Contador pour deux ans à la suite de son contrôle positif au clenbutérol lors du Tour de France 2010, un sketch met le feu aux poudres en 2012 : Rafael Nadal s’arrête à une station-service et gare son Range Rover noir à la pompe. Mais au lieu de se servir en Sans Plomb 95, il entre dans la boutique pour acheter une bouteille d’eau. Désaltérée, la marionnette retourne à son imposant SUV, débraguette son jean et pisse dans le réservoir pour faire le plein. Le 4x4 survitaminé repart à toute berzingue et se fait flasher à 280 km/h sur l’autoroute. Une dose… d’humour qui ne passe pas de l’autre côté des Pyrénées. Marca titre : « Les Français ciblent le sport espagnol. » La Fédération espagnole de tennis attaque Canal + en justice.
Yannick Noah s’invite dans ce mauvais Vaudeville : « Aujourd’hui, le sport, c’est un peu comme Astérix aux Jeux olympiques, avance l’ex-vainqueur de la Coupe des Mousquetaires. Si tu n’as pas la potion magique, c’est difficile de gagner. Et là, on a l’impression que, comme Obélix, les Espagnols sont tombés dans la marmite. Les veinards. » Le vainqueur de Roland-Garros 1983 insiste : « L’affaire Fuentes, le plus gros scandale de dopage ayant jamais existé, a fait pschitt, comme dirait l’autre. La plupart des clients espagnols du bon docteur ont été épargnés. » Potionmagix.
Octobre 2023. Novak Djokovic vient de remporter son 24e Grand Chelem face à Daniil Medvedev à New York (6-3, 7-6, 6-3). Le chanteur de Saga Africa répond au média argentin La Nacion. Son chouchou du Big 3 ? Noah vote Nadal. Pas emmerdé par la cohérence, Yann. « Des trois, Rafa est celui que j’aime le plus parce qu’il respecte les ramasseurs de balle, les chauffeurs, les gens quand il n’y a pas de caméra. Il a remporté 22 Grands Chelems et quand vous le voyez, il est toujours le même gars humble. Federer, lui, était un artiste et c’est difficile pour un artiste de survivre dans le sport. Mais pour un entraîneur, c’est le meilleur. » Et Djoko, dans tout ça ? « Je n’accroche pas, mais je ne sais pas pourquoi. Les deux autres ont plus de charisme. Je ne me sens pas attiré par lui. Quand il a une balle de match, je ne me sens pas connecté. Quand je marche dans la rue, à Montmartre, des gens me disent : Hé, Yannick, tu veux prendre un café avec moi ?
Et je me demande pourquoi les gens veulent se connecter. Avec Novak, je ne sais pas si cela arrivera. » Yannick Noah avait remis la Coupe des Mousquetaires à Djokovic quelques mois plus tôt à Roland-Garros. Brûleur d’idoles. Parfois, c’est l’âne qui change de mouches.
Revenons à l’époque du « Nadal bashing ». Roselyne Bachelot enfonce le dernier clou en mars 2016. Invitée de l’émission Le Grand 8, l’ancienne ministre de la Santé et des Sports sort le chalumeau : « Sa blessure, qui a duré sept mois, est certainement due à un contrôle positif. » Plus remontée que Christophe Hondelatte qui enfilerait sa veste après un bon Faites entrer l’accusé, Bachelot sera condamnée pour diffamation en novembre 2017 : la saillie lui aura coûté 10 000 euros en dommages et intérêts, plus un billet de 2 000 pour les frais de justice du joueur. Revers boisé.
Pendant ce temps, les Guignols récidivent, caricaturant Nadal signant une pétition en soutien à Contador avec une seringue géante en guise de stylo. Maître zen dans la tempête, le principal intéressé ne se démonte pas, troquant le pantacourt pour une pige dans le jury de La France a un incroyable talent : « Le premier sketch était passable. Ensuite, en faire un autre, c’est aller trop loin. Il s’agit seulement de Guignols
, mais ils peuvent influencer de manière erronée la perception de nombreuses personnes sur le sport espagnol. »
Chroniqueur TV de talent, Nadal persiste sur la chaîne Antena 3 : « Nos voisins français sont un peu obsédés par le thème du dopage. » Yannick Noah en prend pour son grade : « C’est intolérable, surtout venant de sa part. Que quelqu’un qui ne connaît rien au sport dise ça, bon. Mais lui sait à quel point le système des contrôles dans le sport est professionnel. » Remonté comme un coucou… suisse, Nadal sort l’argument massue du contrôle infaillible, paraphrasant le Lance Armstrong de la grande époque US Postal. « J’en ai déjà subi trois ou quatre depuis le début de l’année. C’est impossible de tricher avec ce système. » Sur Bachelot, « Rafa » fait du Virenque : « Je suis fatigué de ces rumeurs. Je suis propre ! Vous pouvez demander à l’ITF, à l’AMA, à tout le monde. Je n’ai jamais pris de produit interdit et je ne le ferai jamais. Il est temps de me rendre justice. » En mars 2016, l’oncle Toni va plus loin sur les ondes catalanes : « De nos jours, au lieu de démontrer la culpabilité de quelqu’un, il faut prouver son innocence. Alors, une personne imbécile comme celle-là peut dire n’importe quelle horreur. » Le vieil homme et l’amer.
ROLAND-GARROS 2009.
Les Guignols, Roselyne Bachelot, Yannick Noah. Et le public ? Il avait ouvert la voie. Roland-Garros 2009. « Don Rafael » s’incline pour la première fois sur la terre battue parisienne. Robin Söderling, non-mononucléosé, transforme le bœuf de Majorque en vachette d’Intervilles, un jour de Puy du Fou - Mont-de-Marsan (6-2, 6-7, 6-4, 7-6). Epstein-Barré. Une exception. Nadal gagnera le tournoi neuf fois en dix éditions, entre 2005 et 2014. Plus tard, il sera perçu comme le héros de Roland-Garros, qui lui fera même une statue à l’entrée du complexe. Mais en 2009, « Hercule » lasse les spectateurs bipolaires de la Porte d’Auteuil. Sifflé à chaque faute directe, le quadruple tenant du titre quitta le court la tête basse. Catiminé.
Polo rose et bandeau jaune sur le front. La fumée sort des naseaux. Rafael Nadal a-t-il inventé le « Syndrome Djoko » ? « J’ai l’habitude d’entendre le nom de mes adversaires venir des tribunes quand je joue. C’est dommage que dans un tournoi où j’ai eu tant de grands moments, le public n’ait jamais eu un geste pour moi », déplore-t-il. De la prose « Djoko » sans le savoir. Tonton Toni sort la deuxième lame. Sensor excelle : « Le public parisien est stupide. Les Français n’aiment pas quand les Espagnols gagnent. Souhaiter la défaite de quelqu’un est une façon peu gratifiante de s’amuser. Ils se comportent avec la vanité des gens qui se croient supérieurs. » Supérieurs avec un Grand Chelem gagné depuis 1947 ? Il faut être Français pour oser. Ou Espagnol pour le laisser supposer.
J’aime tes danses et ta musique,
E viva España.
Tes belles histoires romantiques,
E viva España.
Sur ton rivage sans pareil,
E viva España.
Donne-moi un coin de soleil,
Espana por favor.
Rafael Nadal a rapidement fragmenté le Suisse. Première confrontation : Indian Wells, le 16 mars 2004. En… double. Partenaires respectifs :
