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L'écrivaine morte
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Livre électronique203 pages

L'écrivaine morte

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À propos de ce livre électronique

Anna est une écrivaine d’un âge moyen qui a élevé sa fille toute seule. Dans le présent du roman, Berta a grandi et ses doutes aussi : à l’anxiété de connaître son père qu’elle a seulement vu sur une photo vient s’ajouter sa relation fragile avec son fiancé Hans marquée par une crise. Hans, quant à lui, travaille dans une usine. Clara, sa sœur, est une éternelle jeune fille incomprise obsédée par un type qui conduit une moto jaune.

Cependant, c’est d’abord l’histoire d’Anna Flieder. Lorsque celle-ci choisit d’entamer l’écriture d’un livre au ton plus biographique, elle est aussitôt touchée par l’inspiration qui prend la forme du même homme qu’elle avait abandonné il y a des années de cela.

« C’est dans l’histoire elle-même que l’on peut observer le processus de création de la femme de lettres (…) Ce roman est destiné à ceux qui aiment lire et se laissent absorber par la lecture car il suscite l’imagination donnant ainsi lieu à plusieurs intuitions » – La mañana

« Le roman l’écrivaine morte est ainsi une invitation à tous ceux qui apprécient la manière par laquelle la littérature se réfléchit sur elle-même dans une œuvre littéraire. En outre, il offre à son lecteur la possibilité de cheminer sur les traces d’autres personnages dotés de sentiments qui apparaissent dans des situations faites pour provoquer en nous une identification inévitable. (…) Plaisir délectable d’un texte littéraire qui se distingue par un langage métaphorique en suggérant des images révélatrices de scènes quotidiennes que la vie, pleine de ses multiples possibles, nous empêche de voir » – Dre. Alexandra Santos Pinheiro, Resonancias literarias, n° 153

« Ce livre raconte l’histoire d’Anna, une écrivaine, son monde et la vie des personnages qui l’entourent. Anna vit sa vie littéraire comme sa vie réelle, elle souffre d’une forme de schizophrénie au moment où les personnages de ses livres butent contre sa vie dans son désir d’entrevoir la lumière » – Debbie Garrick, Traductrice

« l’écrivaine morte, voilà une œuvre qui ne démontre pas seulement le savoir-faire romanesque de son auteure mais aussi, comme nous le verront, la maîtrise de l’outil indispensable à tout romancier, le langage. (…) Ce roman étant également un artefact littéraire suffisamment lucide pour satisfaire à coup sûr les goûts bien variés du lecteur contemporain » – Letralia, Tierra de Letras

« L’écrivaine, Núria Añó, tisse d’une main de maîtresse qui va très loin dans l’exploration de l’individu contemporain » – Noury Bakrim, Traducteur

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie15 sept. 2021
ISBN9781547559886
L'écrivaine morte
Auteur

Núria Añó

Núria Añó (1973) is a Catalan/Spanish novelist and biographer. Her first novel "Els nens de l’Elisa" was third among the finalists for the 24th Ramon Llull Prize and was published in 2006. "L’escriptora morta" [The Dead Writer, 2020], in 2008; "Núvols baixos" [Lowering Clouds, 2020], in 2009, and "La mirada del fill", in 2012. Her most recent work "El salón de los artistas exiliados en California" [The Salon of Exiled Artists in California] (2020) is a biography of screenwriter Salka Viertel, a Jewish salonnière and well-known in Hollywood in the thirties as a specialist on Greta Garbo scripts.Some of her novels, short stories and articles are translated into Spanish, French, English, Italian, German, Polish, Chinese, Latvian, Portuguese, Dutch, Greek and Arabic.Añó’s writing focus on the characters’ psychology, most of them antiheroes. The characters in her books are the most important due to an introspection, a reflection, not sentimental, but feminine. Her novels cover a multitude of topics, treat actual and socially relevant problems such as injustices or poor communication between people. Frequently, the core of her stories remains unexplained. Añó asks the reader to discover the deeper meaning and to become involved in the events presented.Literary Prizes/ Awards:2023. Awarded at International Writers’ and Translators’ House in Latvia.2020. Awarded at International Writing Program in China.2019. Awarded at International Writers’ and Translators’ House in Latvia.2018. Fourth prize of the 5th Shanghai Get-together Writing Contest.2018. Selected for a literary residence in Krakow UNESCO City of Literature, Poland.2017. Awarded at the International Writers’ and Translators’ Center of Rhodes in Greece.2017. Awarded at the Baltic Centre for Writers and Translators in Sweden.2016. Awarded at the Shanghai Writing Program, hosted by the Shanghai Writer’s Association.2016. Awarded by the Culture Association Nuoren Voiman Liitto to be a resident at Villa Sarkia in Finland.2004. Third among the finalists for the 24th Ramon Llull Prize for Catalan Literature.1997. Finalist for the 8th Mercè Rodoreda Prize for Short Stories.1996. Awarded the 18th Joan Fuster Prize for Fiction.

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    L'écrivaine morte - Núria Añó

    L'écrivaine morte

    Núria Añó

    Traduit par Noury Bakrim

    L'écrivaine morte

    Écrit Par Núria Añó

    Copyright © 2018 Núria Añó

    Titre original L'escriptora morta © 2008

    www.nuriaanyo.com

    Tous droits réservés

    Distribué par Babelcube, Inc.

    www.babelcube.com

    Traduit par Noury Bakrim

    Dessin de couverture © 2018 Núria Añó. Photo Yerson Retamal. Dessins Gordon Johnson

    Babelcube Books et Babelcube sont des marques déposées de Babelcube Inc.

    Table des matières

    Title Page

    Copyright

    Présentation

    L'écrivaine morte

    Sur l’auteure

    Du même auteur

    Le regard du fils

    Nuages bas

    Le salon des artistes exilés en Californie

    Sur le traducteur

    Présentation

    par Noury Bakrim

    Qu’est-ce qui change dans le point de vue du lecteur quand l’écriture est elle-même enjeu romanesque ? L’écriture, devenue sa propre métaphore créative, peut-elle devenir une histoire ? Dans ce roman, les réponses à ces questions se lisent entre deux relations que l’écrivaine, Núria Añó, tisse d’une main de maîtresse qui va très loin dans l’exploration de l’individu contemporain. Cette exploration doit beaucoup à cet attachement au scénique du monde et des êtres : des espaces parcourus, des regards échangés et d’autres inaperçus, des animaux presque humains et des humains brutaux ou désespérés qui restent avec/dans leur corps souffrant ou sont en décalage par rapport à autrui. Un roman qui efface sciemment toutes les nuances nationales et géographiques pour se loger dans cet autre possible méconnu, la province des humains comme dirait Elias Canetti, à la fois province et monde à soi.

    Ainsi, les personnages du récit : Anna, Hans, Berta et Emil qui ne sont que la trame de relations psychanalytiques complexes entre le désir, l’amour et l’autoréalisation mettent en jeu des rapports de symétrie entre familles, générations et solitudes réelles. En outre, les polarités entre les deux familles de Berta et de Hans ne sont pas tellement tranchées, elles ne signifient pas seulement la polarité entre la bourgeoisie de l’écriture et de la musique (Anna et sa fille) et la classe ouvrière de la cuisine et de la chasse (Hans, son père, sa mère). Le roman donne ainsi lieu à des similarités de solitudes, d’incompréhension et d’incommunication : les tentatives de suicide de l’adolescente Clara/les traumatismes d’Anna ou encore la virilité fuyante de Hans / le machisme manipulateur d’Emil.

    De l’autre côté, les personnages du roman qui s’écrit en abyme, celui d’Anna (ou de N), femme forte et fragile à la fois qui refuse l’absurdité de sa maternité et d’un amour qui la traumatise depuis des années : M (ou Emil), à la fois narrateur, personnage et chimère du passé qui stimule son écriture tout en l’empêchant de dire oui à la vie au-delà de la fiction, par exemple, cette attirance folle par le fiancé de sa fille, Berta. Dans cet autre roman, celui de l’écrivaine morte qui donne légitimement le titre du livre, on assiste au travail patient et minutieux mais aussi effroyable du monde intérieur de l’écrivain(e). Les mots qui n’arrivent pas à se dire et ceux qui se disent sans être pensées, les mots qui veulent dire autre chose sont l’art beau et fragile signé par Núria Añó.

    Le lecteur sera ravi du plaisir que lui procurera la lecture, on ne peut que lui suggérer de voyager avec ce roman, un voyage réel. Il sera alors sincèrement touché par l’humanité de ses personnages et de leur fragilité, il s’y reconnaîtra peut-être. De l’humour, il n’en manquera pas. Très bonne lecture !

    L'écrivaine morte

    Núria Añó

    Hans sortit de chez lui à quatre heures et demie de l’après-midi. Il portait l’un des jeans les plus neufs qu’il tira du placard emportant la veste en daim qui lui était accrochée. La tête un peu plus penchée que la normale, les mains enfouies aux poches, il s’approche du lotissement. Depuis l’une des fenêtres, elle pouvait entrevoir sa silhouette. Anna se mit soudain debout et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle fut plus rapide que son ombre, Hans n’a même pas eu le temps de sonner à la porte. A présent, elle l’invite à s’installer confortablement sur un fauteuil tâchant à ce qu’il passe un moment agréable. « Berta se sèche les cheveux », dit-elle en lui servant une liqueur qui, visiblement, a dû être achetée spécialement pour l’occasion. Après tout, bientôt ils deviendront beau fils et belle mère bien que Hans ne soit pas encore décidé. Il voudrait bien se prononcer pour le mariage en possédant au moins son propre véhicule mais tout est plus coûteux que ce qu’il pensait. Berta, non plus, n’arrive pas à se décider. Jupe longue ou courte. Un pull de laine ou un chemisier. La belle mère est la même femme ressemblant à Berta mais de 26 ans plus vieille, aux petits soins de Hans. « Merci Anna », dit-il, d’un ton particulier qui fait de lui un homme éduqué et courtois. Il n’est pas indispensable pour autant. Berta pourrait bien sortir avec un autre. Il en serait alors fini des liqueurs, des bonnes manières et de toute cette scène où il fait figure d’un homme qui attend. Une attente sans fin qu’il accepte comme une autre facette de ce que l’on appelle communément l’amour. Sachant que si quelqu’un pouvait bien saisir ce ‘’quelque chose’’ de mystérieux chez cette Berta, il comprendrait alors parfaitement le sens de ces allers-retours fréquents. Peut-être à défaut d’un trajet meilleur que celui-ci, il y revient toujours au lieu de voir ailleurs. Ici, il est bien traité. Comme s’il était chez lui. Ce qui, en revanche, ne veut pas dire que chez lui il soit aussi bien traité. Anna lui tend un plateau lui offrant des biscuits. La quantité des petits détails, tout ce qu’elle achète pour le recevoir, tout cela laisserait penser que cette même femme peut, inversement, en finir avec l’idée de Hans le bon parti. Surtout et précisément à cause d’instants significatifs comme celui-ci quand elle l’observe fixement d’un regard accentué par une couche de son eye-liner. Une circonstance qui pourrait être parfaite si au lieu d’habiter un petit village comme celui-ci, il vivrait dans l’anonymat d’une grande ville.

    Apparemment, tout est étroitement limité ici : par les montagnes, par les fermes environnantes et surtout par le fil des médisances qui courent de rue en rue. Une fête foraine en mai. Lundi, jour de marché. Parfois, elles n’achètent rien. Elles fouillent souvent en friperie comme cherchant un objet rare et introuvable. Tout leur paraissait plus cher que le prix potentiel qu’elles voudraient réellement payer pour de pareilles fringues. Souvent, elles y trouvent un quelconque défaut de confection ou une imperfection qu’elles s’empressent de montrer au vendeur d’une mine exclamative chose qui finit par en diminuer la valeur. Nonobstant la qualité des pièces, il s’en trouve toujours quelqu’un pour acheter sans chipoter. Quelqu’un avec des cheveux châtains et ondulés et des mains d’écrivain ou d’un quelconque métier n’ayant rien à voir avec la campagne. Quelqu’un qui tend une grosse coupure. Des gens qui arrivent de partout, trouvent leur parfait camouflage dans l’une de ces maisons vides qu’il faudrait d’abord choisir. A l’une il manquerait des travaux, à l’autre toute une reconstruction « Madame Unetelle préférerait peut-être visiter une maison pilote de celles qui sont adossées au versant de la montagne. L’entourage on ne peut plus idéal ! Madame Anna Flieder, savez-vous qu’ici nous avions l’honneur d’accueillir un poète qui comparait notre paysage et ces montagnes à une terre en extension rapprochant nos riverains de Dieu ? Il disait, par exemple, que les nôtres en mourant ils feront le chemin le plus court mais aussi le plus passionnant de toute leur vie. Malheureusement, son œuvre n’a pas été aussi extensive. » On entend le crépitement des feuilles sèches jonchant le chemin en grande quantité, foulées depuis quelques moments par Anna et l’agent immobilier. « Ici, comme vous pouvez le voir, nous avons notre lotissement le plus novateur. Des finitions de premier choix. Attention à la marche ! Et là, la salle à manger à deux pièces. Deux chambres moyennes. Une salle de bain avec douche et porte en chêne. Hein, qu’en dites-vous ? Les fenêtres sont en acier inoxydable avec double vitrage. Des murs insonorisés. Aujourd’hui, les matériaux sont d’une excellente qualité. Personnellement, si vous voulez mon avis, je vous vois déjà en pleine écriture, installée de ce côté de la fenêtre d’où l’on voit le coucher du soleil derrière la montagne. Sinon, là dans cette chambre à coucher isolée d’où vous pourriez observer la rue et le voisinage. Qu’en pensez-vous ? Et encore ce n’est pas tout, il me reste le meilleur, une chambre à coucher où vous pouvez… vous et votre mari… enfin bref, vous voyez ce que je veux dire ! ».

    Anna était une personne pressée. Très impatiente. Un trait de caractère que sa fille Berta n’avait pas hérité. L’épithète qui conviendrait peut-être bien à la fille est indécise car cela tient du côté paternel. Mais que pouvait-elle bien savoir de lui, elle l’a à peine connu ce père. Ni entièrement Hans, du reste. Elle sait seulement qu’il aime la chasse, Berta, la liqueur noisette et les biscuits qu’Anna achète pour l’occasion. Néanmoins, quand ce jeune homme vient à la maison, il est souvent peu bavard. Anna alluma le téléviseur puis poussa sur un ton exclamatif : « qu’est-ce qu’il court vite ce léopard ! », « Les léopards sont les plus rapides », rétorqua Hans.

    Berta arrive parcourant la salle telle un aimant qui attire le fer, puis elle vient se reposer au giron de Hans. Une simple bise de réception et la voilà qui se met à vérifier si cette chemise est bien celle qu’il portait la semaine dernière. Finalement, cela importe peu. Car à présent, elle le prend dans ses bras sans pourtant penser à lui, passant outre son étreinte, ne pensant qu’à sortir d’ici. Hans tend sa main vers la petite table et Anna s’empresse de lui donner la télécommande. Non, ce n’est pas cela. Alors, elle lui rapproche le verre. Pas cela, non plus. Il voulait seulement retirer deux tickets de ciné de son portefeuille. De son côté, Berta se redresse et tire son manteau. Lui sirote encore la dernière gorgée et enfile sa veste.

    Au cinéma, l’ouvreur tire le rideau guidant les deux par une torche dans l’obscurité de la salle. A présent, ils se retrouvent devant l’un de ces films dont ils n’atteignent jamais le début, c’est cela vivre dans cet endroit et ne pas avoir une voiture. De plus, le film n’est vraiment pas du genre de Berta. Elle s’ennuie tellement qu’elle ferme un œil tout en louchant vers la gauche. D’une voix très basse, elle demanda quelque chose à Hans mais celui-ci sursauta soudain sur son siège. Elle pouvait enfin regarder l’écran de nouveau.

    Un film d’horreur. Rien à voir avec Clara qui s’impose une punition et en souffre. Des veines ouvertes, des veines terribles éclairées par une veilleuse. Des verres en sang bleu et vert couverts d’une peau très fine. Si fine qu’elle pourrait l’entailler par une petite incision très vive. Or, Clara n’a plus la même hâte qu’elle avait il y a quelques secondes quand elle plaçait la lame des ciseaux sur ses veines s’apprêtant à les ouvrir. Il faudrait peut-être revenir à cette scène où elle appelait Paul son amoureux au téléphone. Ce prénom par lequel elle vit jour et nuit. Lui, en revanche, n’avait que deux questions : « Clara ?! Quelle Clara ? ».

    C’est souvent ce genre de choses qui met la même jeune fille de quinze ans en colère bien que sa main qui tient les ciseaux ne soit pas vive. Elle manque encore de pratique, de ténacité. En outre, elle aurait pu le faire bien comme il faut et succomber à son essai. Paul, Paul, Paul, Paul, Paul. A quoi bon, il ne se souvient plus d’elle ! Nonobstant le regard porté sur elle, elle continue de tracer le contour de ses yeux, de se brosser les dents, de mettre son déodorant en se changeant la chemise passant par le seul endroit de la maison qui abrite une certaine ambiance familiale, par lequel s’infiltre une lumière éclairant les recoins proches de la baie vitrée. Une pâle clarté, dissipée par le crépuscule pendant qu’Anna, l’observant en retrait, remplit l’arrosoir pour ses plantes.

    Berta et Hans viennent de rentrer à la seule discothèque de la région. Si au cinéma il était presque impossible de se parler, ici ils ne pourraient même pas s’entendre même s’ils le voulaient. Elle dit un je-ne-sais-quoi avec ‘’cola’’. Et Hans répond au serveur : « mais non, j’ai dit au coca-cola ! » Peu après, il lui tend la boisson en lui demandant : « on fait quoi, Berta ? » Elle, éclairée par un spot rouge, lui répond : « puisque tu le dis ! » Des amis arrivent. Puis d’un coup, un flot de salutations, de bises, d’embrassades, les gars se serrent la pince puis restent ensemble au comptoir. Ça papotait de tout et de n’importe quoi même si le sujet de la chasse était le plus prisé. Une date sûre, du premier au 15 octobre. Les filles sont prises d’envie de danser. A les voir danser, on aurait dit qu’elles cherchent une embrouille. A la queue-leu-leu, elles se dirigent vers les toilettes. L’une d’elle sort son rouge-à-lèvres puis se mire de profil en demandant aux deux autres si son soutien-gorge n’est pas un peu visible. Une autre se regarde d’un côté puis de l’autre pour enfin découvrir que ses bas sont fendus par une ligne. Berta, à son tour, ne tardera pas à s’observer au miroir d’abord sans impression aucune, sans s’apercevoir que cette image et elle-même ne font qu’une seule personne. Elle affiche un rictus de résignation devant le miroir et celui-ci lui renvoie la même mimique. Puis gesticule un-je-ne-sais-quoi demandant un rouge-à-lèvres. Quelqu’un pourrait-il bien expliquer à Hans, accoudé au comptoir interpellant le serveur par son doigt levé, l’impression que sa copine passe plus de temps avec ses amies qu’avec lui ? Est-ce l’effet de l’alcool ? De la musique ? Sûrement que oui ! Où est Berta ? Quelqu’un a-t-il vu Berta ?

    Clara, elle, sous la faible lumière tristounette d’un lampadaire ne voit aucune Berta. A peine si elle distingue son ombre propre. Une ombre qu’elle commence d’abord par porter derrière puis à mesure qu’elle avance celle-ci semble occuper le devant de la scène. Ah, de nouveau la-voilà qui change de position. Elle paie son ticket et va directement là où elle devait aller. Elle se plante devant Hans et lui demande une vodka au citron croyant que son frère sera servi rapidement. En attendant, elle jette un coup d’œil sur la piste et sur les tables réservées. Paul n’est pas venu. Quel gâchis, tout cet argent qu’elle a dépensé pour n’apprendre qu’une mauvaise nouvelle. Clara fixait son frère quand celui-ci lui tendait sa boisson, il semblait être éclairé par sa seule lumière propre. A présent, il s’éclipse. Hans dépend de ce rayon de soleil que représente Berta. Berta dépend encore de sa mère. Quant à Clara, elle ne pige rien au milieu de cette confusion.

    Quelqu’un peut-il bien expliquer à Hans que pendant qu’il mord son hamburger, un vilain bout d’oignon dégouline de son menton ? Berta tâtonne cherchant sa main sous la table. A coup sûr, il est temps maintenant que les trois couples se partagent une seule voiture. C’est cela avoir de vrais amis. De ces amis sans secrets les uns pour les autres qui finissent par se ressembler comme des gouttes d’eau une fois entièrement nus, sans vêtements. Tant que Hans continue de manger, de boire, d’écouter ou de parler, Berta sait bien qu’ils se disputeront encore un peu comme chaque dimanche. En savourant ce café bien chaud au bar, elle doit bien sentir la main de Hans tirant la sienne sous la table. Elle observe ses copines afin de comprendre le comportement de leurs petits-amis. Tout spontanément. Elle referme les yeux, suffisamment pour comprendre un geste aussi simple comme celui de soulever l’abattant d’un piano et jouer de mémoire une pièce de musique à onze heures du soir sans regarder la partition, sans que sa mère dise : « tu m’as fait perdre le fil d’une phrase musicale ! Sais-tu ce que cela signifie de perdre le fil à un moment comme celui-ci ? Et Hans pourquoi ne t’a-t-il pas raccompagnée ? » Mais pour l’instant, ce jeune homme est toujours là regardant sa montre en bâillant d’ennui. Alors les doigts de Berta bougent nerveusement dans les mains de Hans, deux mains visiblement unies par une mélodie qui ne sonne pas encore son harmonie.

    Un trait inséparable de Clara : quoiqu’elle fasse on ne la remarque jamais. Elle peut bien sortir et rentrer à la discothèque, ressortir et rentrer une nouvelle fois. Montrer que les paumes pâles de ses mains sont sur le point de recevoir un impact. Un impact énorme ! Et malgré tout cela, elle va bien ! Car elle ne s’est pas faite mal ? Hé, toi donc, n’aie pas peur, cette fille ne cherche qu’un peu d’attention voilà tout ! Clara, fait partie de ses personnes qui, même en ville, seraient aussi imperceptibles avec la seule différence que, même en redevenant visibles et fût-ce même en plein milieu de la rue ou en s’arrêtant aux feux de la circulation, ils seraient passées comme si elles n’existaient pas. C’est ainsi qu’elle voit son monde avant d’éteindre la lumière de sa chambre. En retour chez elle, elle se frotte les mains à toutes les façades qu’elle trouve sur son chemin à la manière d’une estocade qu’elle s’impose à son corps. Des égratignures à la main, une chambre couverte de posters et beaucoup de vêtement à repriser.

    « En voilà encore une voiture qui s’éloigne vers la montagne », dit l’un des habitants du lotissement en guettant le trajet avec des jumelles. Dès que la voiture s’arrête, Berta et Hans restent assis, le regard fixant les sièges devant. S’il est vrai qu’ils ne veulent rien entreprendre, en revanche, ils peuvent au moins céder leurs sièges au couple qui serait

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