Disparus, évaporés : on ne saura jamais ce qu’il est advenu du couple Héritier, Louise et Joseph, partis à la conquête d’un glacier un jour d’août écrit l’auteur. Mais on sait la force tenace des légendes : un couple fugitif, peut-être, pour toujours, dans l’esprit des braves gens. À partir de ce fait divers, qui a durablement marqué la région où il se déroula, à la frontière franco-suisse, Alexandre Duyck, reporter free-lance notamment au (et dans nos pages), a minutieusement enquêté, interrogeant les témoins de l’époque (les enfants du couple) pour bâtir, quatre-vingts ans plus tard, non pas un récit à froid mais un roman au cœur battant, doux et incarné. L’histoire d’un couple aussi taiseux qu’amoureux (lui était cordonnier, elle, institutrice) ; un conte amer sur une femme bien chaussée, bien mariée, dont le goût de la liberté s’est soldé par un revers cruel de la nature. Entre fatalité cosmique et mythe populaire, charme champêtre et mortelle randonnée, ce récit nous fait prendre de l’altitude, et redonne vie à cette famille martyre portant la marque lointaine des écrits (bouleversants) de l’écrivain et poète suisse Charles Ferdinand Ramuz. L’ensemble résonne comme une métaphore sur l’innocence perdue : le bonheur envolé d’un monde rural contaminé, en dépit de sa prétendue neutralité, par la tragédie mondiale alors en cours.
