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Philippe Grumbach, un agent du KGB infiltré à L’Express

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Des stars à Pont-L’Evêque, dans le Calvados. Ce 11 octobre 1980, Philippe Grumbach, ancien directeur de L’Express , épouse Nicole, directrice d’une revue prisée du tout-Paris, de vingt-sept ans sa cadette. Alain Delon est là, en smoking noeud papillon, Isabelle Adjani aussi. Les témoins se nomment Françoise Sagan et Pierre Bergé. On en parle dans Le Matin de Paris, le quotidien de la gauche, quelques photos sont même publiées dans le très branché Playboy, sous un article de Thierry Ardisson. Consécration mondaine pour Grumbach. Sur les clichés, ce quinquagénaire, que sa grande taille et ses traits forts rendent intimidant, apparaît plus imp érial que jamais en costume-cravate- pochette, sourire de patriarche aux lèvres. « Un aristocrate de la presse », écrira L’Express à son décès, en 2003.

En ce début des années 1980, le journaliste est un homme puissant, aux confins des médias, de la politique, de la mode et du cinéma. De sa relation avec Jean- Jacques Servan-Schreiber, tout a été dit. « Le fidèle d’entre les fidèles » tranchent Alain Rustenholz et Sandrine Treiner dans leur ouvrage sur la famille du fondateur de L’Express. « L’esclave-esclavagiste », le surnomme l’éditorialiste Roger Priouret, sobriquet évocateur de sa relation à JJSS comme de sa propension à diriger le journal sans excès de démocratie participative.

On sait Philippe Grumbach intime de Pierre Mendès France, comme il l’a été de François Mitterrand. Il est surtout proche depuis plusieurs années du président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. En octobre 1977, l’a décrit comme « l’un des conseillers les plus écoutés » du chef de l’Etat. VGE a failli l’imposer à la tête de RTL, après avoir pensé à lui pour Antenne 2. Seule son éviction de L’Express, décidée par Jimmy Goldsmith, début 1978, pourrait le contrarier. Mais Grumbach a un plan, il envisage de créer un journal. Ce que personne ne sait alors, c’est que le patron de presse influent cache un lourd secret. Il est l’un des principaux agents du KGB en France. A la lecture de ses états de service, on pourrait même le considérer comme un des plus grands espions soviétiques de la V République. Pour s’en convaincre, il faut filer à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni. Depuis 2014, les documents de Vassili Mitrokhine, archiviste en chef (traduit en France aux éditions Fayard) paraît, cosigné avec l’historien Christopher Andrew. Des dizaines d’espions sont mentionnés, seuls leurs noms de code sont généralement écrits, souvent pour préserver les enquêtes judiciaires. Les révélations de Vassili Mitrokhine provoquent de nombreux aveux, comme ceux de Robert Lipka, agent de la NSA américaine, ou de la fonctionnaire britannique Melita Norwood, espionne russe pendant quarante ans. Des commissions d’enquête parlementaires sont diligentées au Royaume-Uni, en Italie. L’authenticité des informations de l’archiviste est à chaque fois reconnue. « Rien de ce qu’a écrit Mitrokhine ne s’est avéré faux. Concernant les cas français, la DST détenait certaines informations secrètes que ses écrits ont à chaque fois confirmé », nous indique Raymond Nart, chasseur d’espions russes de 1966 à 1998 à la DST, l’ancêtre de la DGSI, où il finira directeur-adjoint.

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