LE LIVRE ÉTAIT PRESQUE ACHEVÉ quand a eu lieu le 7 octobre. L’incapacité d’une partie de la gauche à condamner fermement l’attaque sanglante du Hamas tout comme les polémiques autour de la « grande marche civique » du 12 novembre ont rappelé à quel point la question de l’antisémitisme demeure un point de clivage politique majeur en France, capable presque à lui seul d’éclater une alliance électorale, la Nupes. Ce qui rend d’autant plus indispensable la lecture de cette passionnante Histoire politique de l’antisémitisme en France, dirigée par Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat et Rudy Reichstadt, qui bénéficie de contributions de Valérie Igounet, Jean-Yves Camus, Jean Garrigues ou Milo Lévy-Bruhl. Loin de se cantonner à l’extrême droite et l’extrême gauche, cette synthèse examine l’évolution depuis 1967 du rapport à l’antisémitisme – et à l’antisionisme – dans tous les courants politiques. Si l’on est heureusement loin de l’antijudaïsme décomplexé du temps du boulangisme ou de l’affaire Dreyfus, qui a culminé avec le régime de Vichy, l’ouvrage rappelle qu’aucune formation politique n’est immunisée contre ce que l’historien Robert S. Wistrich nommait « la plus longue haine ». Un mal français? Entretien avec Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch.
Pourquoi avoir commencé votre histoire politique de l’antisémitisme en 1967, année de la guerre des Six-Jours?
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme, discrédité, a cessé d’être un courant politique, même s’il continue à se manifester par la voix de Pierre Poujade, par exemple, et chez les nostalgiques de la « révolution nationale ». Mais 1967 est un jalon important, car c’est à l’issue de la guerre des Six-Jours que l’antisémitisme redresse vraiment la tête. C’est alors que l’on commence à cesser de voir Israël sous le prisme de David contre Goliath, comme le petit Etat assiégé par ses voisins arabes.