Des écrivains, nous attendons la même chose que des équipes de foot: qu’ils gardent le niveau qui les a fait couronner! Prix Femina étranger avec le tendre le Turc Ahmet Altan revient avec portrait d’un psychopathe d’autant plus réussi qu’il est attachant. Cela se passe à Istanbul, au début du siècle dernier, alors que l’Empire ottoman se meurt dans une corruption sans fin. Ziya, 4 ans au début du récit, est pétri d’admiration pour son frère Anef, gangster bravache aux gifles proverbiales qui place l’honneur plus haut que la vie. Cela paraît bien pittoresque mais vaut à Anef de mourir à 28 ans, non sans avoir transmis à son frère ses valeurs criminelles. Résultat, à 16 ans, Ziya abat froidement l’assassin d’Anef et part en prison – mais la mafia tcherkesse, à laquelle sa famille appartient, lui trouve une sortie. Et c’est là que le roman se dépasse. Voilà Ziya à Alexandrie, épris d’une étudiante en médecine qui ne le sauvera pas. Ziya jouant tout l’argent qui passe entre ses mains pour retrouver l’impression de temps suspendu qui le prend dans ses accès de violence. Il y aura d’autres femmes et des chances de salut, mais que peut une conscience enfermée si jeune dans un cadre de pensée où ceux qui tuent pour l’honneur sont des héros? Un caïd post-adolescent qui croit sa petite légende plus forte que la réalité? Et devinez qui gagne à la fin, quand se fomente un attentat? Avec sa belle plume à la fois narrative et introspective, Altan réussit quelque chose de rare: donner un supplément d’âme à l’un des archétypes les plus fondamentaux de la littérature.
MARQUE-PAGE par Alexis Brocas
Oct 26, 2023
1 minute
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