En France, il est connu pour sa capacité à enclore un univers en moins de 200 pages – le réchauffement climatique et les tourments d’un prix Nobel amer, dans ; les tabous d’avant la révolution sexuelle et la nuit de noces tragicomique qui en résulte dans . Mais si ces miniatures littéraires l’ont rendu célèbre chez nous, le Britannique Ian McEwan, 75 ans cette année, n’est pas l’homme d’une seule forme: au contraire, pour lui, chaque fiction semble l’occasion d’une petite réinvention de son art. Il publie aujourd’hui un roman total: . L’histoire de Roland, né à la fin des années 1940, comme l’auteur, et qui a grandi comme lui auprès de parents cachant un lourd secret. Et aussi l’histoire de ses parents, de ses beaux-parents, de sa génération, de l’Angleterre et du monde entier, avec une attention particulière pour l’Allemagne. C’est peu dire que le livre est ambitieux: sa foule d’intrigues, en plus de mêler la grande histoire aux petites, soutient des idées nuancées sur le pouvoir de l’écriture, sur les vérités de nature irréconciliables, sur notre propension à voir notre vie en noir. Et pourtant, ce roman s’avale d’une traite! Cela tient au style de McEwan, d’une grande clarté, où la narration domine toujours sur l’analyse, et à la fabuleuse galerie de personnages travaillés qu’il déploie. Alissa, l’épouse de Roland, partie en lui laissant un enfant sur les bras pour devenir une grande écrivaine. Robert, père de Roland, terrible mari, mais pas dépourvu de qualités. Heinrich, ex-résistant allemand mué en brave bourgeois, ce qui entretient l’amertume de sa femme qui l’a jadis pris pour un héros. Elle venait d’Angleterre et se voulait journaliste – mais n’avait pas compris que le métier exige de considérer ses sujets avec distance, même quand il s’agit des survivants du vertueux mouvement anti-nazi de la Rose Blanche… McEwan excelle à montrer notre propension à nous illusionner, à nous laisser duper par nos enthousiasmes, à préférer la simplicité des clichés aux complexités sans fonddéfaut, pas l’auteur: à l’heure de répondre, entre deux extinctions/allumages de micros pour cause de parasites, il s’est révélé un parangon de courtoisie britannique, et d’intelligence universelle…
IAN McEWAN
Sep 28, 2023
12 minutes
« En des temps troublés, nous avons besoin de prose classique »
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