Adresses page 176
Daniel Roseberry emprunte un élément caractéristique de l’écriture stylistique d’Elsa Schiaparelli et l’extrapole dans une vision très contemporaine. L’exercice est sur le fil! S’entrecroisent le même renversement des échelles, la même recherche de matières nouvelles, la même obsession des détails, la même envie de provoquer. « » Elsa Schiaparelli ne le démentirait pas, elle qui fédéra, autour d’elle, les meilleures petites mains, jusqu’à la fin. Daniel Roseberry se plonge dans les fondamentaux de la Maison tout en les emmenant ailleurs. Le bleu, dense, lumineux d’Yves Klein remplace le rose shocking et électrise une jupe à volants rigides. Les traits de pinceaux du peintre Lucian Freud se prêtent à un trompe-l’œil évoquant un corps de femme, écho lointain à la robe squelette de 1938 imaginée avec Salvador Dali. Les poils de chèvre se substituent à ceux du singe pour un ensemble « palmier» monté sur une structure métallique. D’autres clins d’œil se glissent dans les trente silhouettes conçues par le créateur, toujours au sein du même hôtel particulier, place Vendôme, où s’installa Elsa Schiaparelli dès les années 1930. Une combinaison rappelle que c’est elle qui l’a inventée pour les femmes, en ligne directe de celle portée par l’aviateur américain Charles Lindberg lors de sa traversée de l’Atlantique. Un tailleur tout en miroirs brisés ravive la passion qu’elle avait pour la broderie à partir de matériaux extravagants. « », écrit Daniel Roseberry dans sa note d’intention. La promesse est tenue tant toutes les silhouettes qui se succèdent, bousculent les volumes, là soulignant une taille d’armatures baleines, ici l’enveloppant d’un manteau bouffant réalisé dans une mosaïque de plus de douze mille rectangles de cuir. Très émouvant aussi quand les deux mannequins de bois, articulés, Pascal et Pascaline, qui accueillaient les clientes dans la boutique du rez-de-chaussée du 21 place Vendôme, se retrouvent à taille réduite, se balançant à l’extrémité d’un collier en perles. Les accessoires sont sculpturaux et envahissent un plastron, gagnent toute une veste, entrechoquant bois, métal, pierre, verre, dans un esprit très tribal. Mais ne s’agit-il pas de cela en fin de compte, de conte! Une tribu d’affranchis qui dépassent les frontières de la mode: « », souligne Daniel Roseberry, encore un écho à celle qui ne savait ni dessiner, ni coudre.
