L'Express

Raymond Aron, le spectateur engagé

Sur le plan personnel, Aron vécut ses dernières années comme un sursis, après l’accident cardiaque qui le frappa en 1977. Au même moment, il achevait sa carrière universitaire au Collège de France et quittait Le Figaro en raison de son désaccord avec Robert Hersant, qui avait acquis le journal deux ans plus tôt et à qui il rappela les raisons de son départ dans une lettre dictée à Georges Suffert : « La confusion en une seule personne du propriétaire, du gestionnaire d’un groupe de presse, du directeur de la rédaction, de l’éditorialiste et d’un candidat à la députation, me paraît inacceptable à l’opinion d’aujourd’hui, funeste au rayonnement et au prestige moral du journal. » Ainsi prenaient fin trente années de décryptage de l’actualité au fil desquelles Aron s’était affirmé comme la figure de proue du quotidien et le « professeur d’hygiène intellectuelle des Français », selon la formule de Claude Lévi-Strauss.

Cette période fut aussi très importante pour l’histoire de la France et du XXe siècle. La Ve République connut l’alternance avec l’élection de François Mitterrand en 1981 puis l’expérience de l’application du programme commun de la gauche, qui acta la fin des Trente Glorieuses et inaugura un long cycle de décrochage pour notre pays. Simultanément, le trou d’air des Etats- Unis et la poussée soviétique au cours des années 1970 débouchèrent sur la dernière crise majeure de la guerre froide autour des euromissiles. Sous cet affrontement pointèrent les prémices d’une nouvelle donne avec la stagnation économique de l’Union soviétique et l’intervention en Afghanistan, les réformes libérales de Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui engendrèrent la mondialisation, les quatre modernisations de Deng Xiao Ping qui réveillèrent la Chine, la révolution iranienne qui ramena la religion au premier plan de l’Histoire.

Pour Aron, le choix de L’Express n’avait rien d’évident. Au lendemain de son accident de santé et à la lumière du triste épilogue de sa collaboration avec , il pouvait lui paraître tentant de renoncer au journalisme pour se consacrer entièrement à, où Aron comptait de très nombreux amis, semblait devoir s’imposer.

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