Sa Range Rover noire se gare devant l’église en pierre du XIIe siècle de Westwell, un village situé à 120 kilomètres à l’ouest de Londres. En cette après-midi au début du mois de juillet 2022, le président de Fox Corporation et de News Corp, âgé de 91 ans, est là pour le mariage de sa petite-fille, Charlotte Freud, 21 ans. L’invitation adressée aux soixante-dix convives spécifiait que le dress code était formal theatrical, habillé mais théâtral, chic quoique tape-à-l’œil. Rupert Murdoch a fait le choix d’un look à la Tom Wolfe, l’auteur du Bûcher des Vanités : costume blanc, chaussures en velours rouge et cravate rouge. Il en met plein la vue en sortant de son 4x4, mais il revient de loin.
La veille, le magnat des médias était encore alité au Cromwell Hospital de Londres, victime d’une forme grave du Covid. Durant une semaine, les médecins ont traité ses symptômes (respiration difficile et fatigue) avec de l’oxygène d’appoint et des anticorps. Son rétablissement a été particulièrement lent. Lors du mariage, il a du mal à tenir debout et doit s’appuyer sur son fils aîné. « Rupert était très faible et Lachlan devait le tenir pour l’aider à se déplacer », se souvient un invité.
Le Covid n’est que la dernière urgence médicale en date qui a conduit Murdoch à l’hôpital. Depuis quelques années, le tycoon australo-américain enchaîne les pépins : une fracture du dos, des crises d’épilepsie, deux épisodes de pneumonie, une fibrillation auriculaire et une déchirure du tendon d’Achille. Il évite soigneusement toute discussion qui pourrait suggérer le départ de son empire médiatique. « Je suis immortel, j’en suis convaincu », avait-il déjà affirmé voici un quart de siècle, après avoir guéri d’un cancer de la prostate à l’âge de 69 ans. Et il ne manque jamais de rappeler à qui veut bien l’entendre que sa mère, Dame Elisabeth, a vécu jusqu’à 103 ans : « Jamais il ne partira à la retraite, vous pouvez en être certain », avait-elle lâché lors d’une interview réalisée au lendemain de ses 101 ans, en 2010. Comme si son fils pouvait lui aussi défier la biologie. Un proche : « C’est amusant de plaisanter en disant que “Fourty is the new thirty”, mais quand on arrive à 80 ans, ça rigole moins : 80, c’est 80. » Le 11 mars 2023, l’empereur a fêté ses 92 ans.
Fiancés à peine 2 semaines
Même s’il rêve de vie éternelle, il n’en est pas moins tracassé par la question de sa succession. Dans son esprit, l’un des trois enfants qu’il a eus avec sa deuxième femme, Anna, reprendra les rênes de l’entreprise : Elisabeth, 54 ans ; Lachlan, 51 ans ; ou James, 50 ans. Selon lui, le darwinisme déterminera l’héritier le plus compétent. « Il a passé sa vie à monter ses enfants les uns contre les autres, soupire un ami de la famille. C’est d’une tristesse... » De l’avis général, Elisabeth était la plus douée mais son père regimbe à déroger aux antiques règles de la primogéniture mâle. Elisabeth a quitté l’entreprise familiale en 2000 pour monter une société de production audiovisuelle à succès. Lachlan, lui, partage les idées très à droite de son père, son patriotisme australien et cette passion pour les journaux imprimés. Mais Rupert nourrit un doute à son sujet : Lachlan, qui est aussi fan de varappe, n’est peut-être pas motivé à 100 % pour le job. En 2005, alors directeur général adjoint de News Corp, il avait démissionné après une brouille avec Roger Ailes, l’éminent directeur de Fox News. Reste James, le benjamin de la fratrie. Dans les années 2010, il a gravi les échelons au sein du groupe, et s’est fait remarquer en investissant dans Hulu et National Geographic Channel, deux chaînes jugées bien plus « respectables » que les tabloïds de l’empire familial.
