Capturés, mais vivants et rescapés de l’enfer
Leur guerre a duré trois jours, le temps d’attendre dans la terre, sous une pluie d’obus. Ce qu’ils nous racontent, c’est l’autre versant de l’histoire, celle qui, quelques jours avant la chute annoncée de la ville, faisait dire à l’ancien président Porochenko : « Bakhmout a rempli sa mission en permettant à notre armée d’y éliminer des dizaines de milliers de soldats russes, envoyés au combat sans souci des pertes humaines. » À ces deux hommes, enrôlés par l’armée mais bientôt convaincus de s’engager dans une milice, aucune plaque d’identification n’a jamais été remise. S’ils mourraient, leur cadavre ne porterait pas de nom.
De notre envoyé spécial en Ukraine Nicolas Delesalle
Le premier prisonnier entre dans une pièce aux murs nus et aux fenêtres calfeutrées. Nous l’appellerons Andreï *. Il s’assoit sur un tabouret et allume la cigarette qu’on lui tend sous la lueur d’une ampoule qui pend du plafond. Il est l’un des deux mercenaires russes que la 127e brigade de la garde territoriale ukrainienne a arrêtés. Mykola et Maksim, combattants des forces spéciales, nous les ont présentés en termes peu glorieux : « Le premier est stupide. Et le deuxième, encore plus. » Pour ces hommes du renseignement, est « intelligent » qui peut livrer des coordonnées géographiques. Un prisonnier sur trente en moyenne. La plupart, en état de choc quand ils les interrogent, ne savent pas où ils étaient sur le front.
Les deux geôliers ne quittent pas la pièce : Mykola, barbe grise, nez aquilin, bob camouflage, et Maksim, yeux en amande,