Shruti Gupte, cheffe décoratrice indienne que tout le cinéma s’arrache
Les trains ne sont jamais bien loin quand Bombay fait son cinéma. C’est d’ailleurs peut-être par une histoire de train qu’est né l’engouement de la ville pour le 7e art, et de là, Bollywood, cette formidable machine à fabriquer des films en langue hindie. Le 7 juillet 1896, les frères Lumière, en goguette en Inde, organisent une projection à l’hôtel Watson – aujourd’hui nommé Esplanade Mansion, c’est l’un des immeubles en fonte les plus saisissants de la mégalopole, quoique décati. Tarif de la séance, une roupie. Au programme, entre autres, La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, et surtout, L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, soit les tout premiers films de l’histoire du médium. « Merveille du siècle », s’enthousiasme The Times of India à propos de la projection. C’est que les trains – à défaut de métro, dont les premiers tronçons n’ouvrent peu à peu que depuis 2014 –, ceux qui depuis le XIXe siècle sillonnent la presqu’île du nord au sud, structurent l’existence de millions de Bombayens, si bien que l’on surnomme ici le réseau ferroviaire les « lignes de vie » ou « les veines » de la ville. S’étonnera-t-on, alors, que Bollywood fasse la part belle aux trains de Bombay ainsi qu’à leurs passagers dans ses productions?
Parmi les blockbusters des dernières décennies, il y a l’opus culte de Mira Nair, en 1988, qui a pour cadre la gare de Grant Road et ses environs, avec son lot de wagons en dormance, de bruits de rails, d’enfants des rues, de marchés grouillants et d’immeubles à balcons ouvragés dont la splendeur s’effrite – tout cela, trente-cinq ans plus tard, n’a pas bougé. Il y a de Ritesh Batra, succès mondial en 2013 qui documente les trajets toujours debout, toujours corps contre corps, d’un employé du tertiaire incarné par la star disparue en 2020, Irfan Khan, entre son d’Anubhav Sinha, en 2011, où un super-héros campé par la superstar Shah Rukh Khan sautille entre quais de gare et trains en marche le long de la Harbor Line. confirme l’actrice Shahana Goswami, trentenaire en vogue du cinéma indien qui, de justement, à la série de Netflix à succès en passant par les films engagés des réalisatrices Deepa Mehta et Nandita Das, navigue dans tous les registres.