Chez certaines personnes, la « ligne de vie » ne se lit pas dans les plis de la paume, mais dans les objets qui parsèment leur bibliothèque. C’est le cas de Robert Badinter. Sur les étagères en noyer qui recouvrent tout un mur de son grand bureau, les livres sont légion, tout comme les tableaux, les portraits, et les objets, donc, qui témoignent des passions et des obsessions du maître des lieux. Ici, deux gravats, vestige du mur du ghetto de Varsovie sur lequel il a écrit une pièce de théâtre naguère – « cette tragédie m’a hanté pendant des années » –, là, une photo en noir et blanc de lui, assis dans un canapé, avec François Mitterrand et Pierre Mauroy – « c’était la veille de l’élection de 1981. Ce que je dis au futur président semble le laisser dubitatif! » –, là, encore, un document original signé Bonaparte – « c’est exceptionnel: il n’en a quasiment pas signé sous ce nom! ». Et, trônant au milieu d’une étagère elle-même centrale: la Une originale de L’Aurore, celle du fameux “J’accuse” de Zola. « Celle-là, je l’ai traquée longtemps », explique Robert Badinter, yeux plissés sous des sourcils mythologiques.
De l’abolition de la peine de mort à la dépénalisation de l’homosexualité, la vie de l’homme semble tendue par le fil d’une nécessité de justice. A 95 ans, il fait paraître avec Bruno Cotte (ancien président (Fayard) « Le conflit dure. Les crimes commis sur le terrain s’accumulent. La collecte des preuves se poursuit, et il le faut pour que justice soit faite. Les connaissances que l’on a suffisent à en établir la réalité et permettent d’en imputer la responsabilité première à Vladimir Poutine », écrivent-ils en introduction de l’ouvrage. Robert Badinter y revient, en exclusivité pour les lecteurs de L’Express.