« En ce dernier mois d’hiver, le champ sort doucement de sa torpeur. La sève monte, la pression aussi. S’il y a un équipement incontournable durant ces semaines de genèse à la ferme, c’est bien la serre. Elle remplit deuxde terreau individuelle. Je surnomme ces plants “jeunes tyrans” car ils exigent d’être soignés pluriquotidiennement, sans faute, pendant une période moyenne de deux mois. La pépinière est pleine au printemps, se vide à mesure que les plants sont mis en terre dans leur emplacement définitif, puis se remplit de nouveau en fin d’été, avec les semis préparatoires des cultures d’hiver. L’autre rôle, c’est de prolonger la saison: cultivés sous un toit de film, de polycarbonate ou de verre, légumes, fruits et fleurs peuvent mieux affronter les rigueurs du début de l’année ou de la fin d’automne. Même les petits espaces pourront s’offrir ce type d’équipement: à la ferme, j’ai aussi des“ tunnels chenilles” ou “tunnels nantais”, des serres miniatures, démontables et peu onéreuses. Et pour les micro-espaces, des caisses de rangement transparentes avec couvercles – transparents aussi – pourront faire office de serres portatives et faciles d’entretien. À plus grande échelle, l’imaginaire collectif autour des serres devient un peu confus: on les associe aux excès de l’agriculture industrielle – hors-sol, éclairée, chauffée – et on les trouve en général assez laides sous leur forme la plus économique: le polytunnel, cette armature en acier recouverte d’une bâche en polyéthylène. Pourtant, une serre sans chauffage ni éclairage artificiel fonctionne comme un petit temple solaire où le vivant est choyé, respecté: on l’oriente pour capter au mieux la lumière, on l’abrite du vent, on l’ouvre et on la ferme toujours avec précaution, on y place les plantes les plus précieuses, et on s’y rend tous les jours pour de patientes et inquiètes visites d’observation. Car cet espace privilégié attire rongeurs, mollusques, insectes et micro-champignons qui viennent se nourrir et profiter de la chaleur. Ouvrons l’oeil – et la serre – donc, si l’on ne veut pas voir notre temple se transformer en fournaise l’été venu, et pour éviter de bouillir de colère devant la gourmandise de ces petits visiteurs fidèles. »
