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Le Moyen Âge En musiques et en personnes

Le théoricien

Au Moyen Age, la musique est un art du nombre. Si l’on doit à saint Augustin une première approche scientifique à la fin du IVe siècle (traité De Musica), le fondement de sa théorie sera développé par Boèce un siècle plus tard. Dans son De institutione musica, il divise la musique en trois catégories: mundana, c’est l’harmonie universelle de toutes choses; humana, elle envisage l’homme au centre de cette universalité; instrumentalis, c’est l’art de la composition. Surtout, Boèce reprend et explique la conception de la musique comme « nombre rendu audible », à la beauté issue d’harmonies pures, elles-mêmes nées de proportions numériques. Parfaites, ces proportions, qui formeront consonances, sont octave (et unisson), quinte et quarte. Tout le travail du théoricien médiéval réside en ces quelques termes. Presque tout, car il faut ensuite apprendre cette théorie, la formuler aisément en un « solfège » accessible. C’est ce que fera notamment Gui d’Arezzo dans son Micrologus au XIe siècle, qui combine recherches sur la notation et mise au point du système scalaire (la gamme) à partir des syllabes que nous connaissons (ut, , mi, etc.), celles qui commencent les premiers vers de l’hymne à saint Jean-Baptiste: « Ut queant laxis, Resonare fibris », etc.

Le théoricien « invente » aussi la modalité. Si nous connaissons aujourd’hui le majeur et le mineur de douze sons, ce sont huit modes qui constituent l’univers des monodies du plain-chant, avec leurs contours et règles stricts, leurs notes principales et secondaires. Ces modes sont d’ailleurs très vite « qualifiés », préfigurant les affetti baroques. L’un des modes de est ainsi jugé parmi les plus susceptibles d’exprimer la tristesse par Hermanus Contractus dès le XIe siècle. Mozart, en 1791, n’écrira-t-il pas son Requiem en mineur, ton déjà « grave et dévot » chez Marc-Antoine Charpentier?

De monodique, la musique devient polyphonique; il faut alors inventer des règles. Pour Francon de Cologne, celui qui désire écrire à plusieurs voix doit d’abord imaginer une mélodie, « la plus belle qui soit », au-dessus de laquelle il façonnera un « déchant », note contre note, par mouvement contraire et, naturellement, consonant. Cette nouveauté requiert de s’accorder rythmiquement – il s’agit de « consoner » ensemble. Le théoricien précise donc les valeurs des notes et des silences. Il établit même des canevas rythmiques d’une grande précision: la musique se « mensurabilise » ainsi durant la seconde moitié du XIIIe siècle. Elle est alors toujours ternaire, symbole hautement probable de la sainte Trinité. Ce n’est qu’au début du XIVe siècle que la division binaire émergera, accompagnée d’autres nouveautés rythmiques dont une accélération généralisée que condamnera le pape Jean XXII (mort en Avignon en 1334), exigeant l’abandon de cette multitude de notes qui « obscurcissent les pudiques ascensions et les retombées du plain-chant ». Voeu pieux qui sera très moyennement exaucé.

Le scribe musicien

« J’ai soif, il est temps que je boive », s’exclame le copiste à. Copier, sous la dictée ou à partir d’un texte, n’est pas une sinécure. Pourtant, la journée de travail n’excède pas quatre heures et les sont, avec la chambre de l’abbé, les seuls lieux chauffés des monastères. Les conditions évolueront au cours du

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