ême sous un soleil de plomb, Rashid Johnson, tout de noir vêtu, a le blues. Un blues né durant le confinement, qu’il a alimenté de chansons de Cesária Évora, de poèmes de Sylvia Plath et de livres de un air de jazz qui a dû baigner l’enfance de ce natif de Chicago, depuis toujours préoccupé par l’histoire des Africains-Américains comme en témoignent ses tableaux quadrillés de visages noirs aux yeux écarquillés, qui l’ont rendu célèbre. À moins que ses œuvres ne retracent la traversée des États-Unis de milliers d’hommes noirs partis travailler pendant la Grande Dépression dans les mines de charbon… le fameux « Blue Train » immortalisé par le saxophoniste John Coltrane en 1957. Accrochés aux cimaises ou posés sur le sol de la galerie Hauser& Wirth, sur l’Illa del Rei (Mahon), dans l’exposition « Sodade », les bateaux ont remplacé les trains, mais ils symbolisent les mêmes migrations… Sur la toile, découpée selon une grille, les embarcations sont multipliées, répétées tel un mantra, comme si l’acte de peindre s’apparentait à une séance de méditation. Certes, comme nous l’a cruellement rappelé la pandémie de Covid-19, mais chacun d’entre nous effectue un voyage différent. Celui de Rashid Johnson convoque le souvenir de son père, vétéran du Vietnam féru d’électronique. Car outre ces peintures grand format, il a aussi créé quatre barques en bronze noirci, qu’il a incrustées de souvenirs, cassettes VHS et micro de radio CB, et dont le fond porte des traces de brûlures. Ces quatre esquifs ont « pris feu », celui du foyer autour duquel la famille se rassemble ou celui du rituel funéraire qui, comme dans la mythologie égyptienne, permettrait de traverser les ténèbres vers plus de justice, d’intégration, d’autonomie, de liberté…
La mélancolie façon Rashid Johnson
Sep 16, 2022
1 minute
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