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Une photo expliquée Un marathon en filé par Valentin Faivre

es premiers déclenchements remontent à 2007, avec un compact Canon. La même année sortait le Nikon D3, boîtier monobloc que j’ai pu acquérir plus de dix ans après. J’avais alors appris les bases de la photographie en autodidacte et je faisais majoritairement des images de vie sauvage, avec quelques sélections en festival. Aujourd’hui journaliste scientifique, je continue la photographie dans le cadre personnel et parfois professionnel. Plus souvent en reportage qu’en pleine nature, je garde la même logique de prise de vue que pour la vie sauvage : assurer d’abord une image classique et ensuite seulement expérimenter. Après avoir couvert plusieurs années de suite le marathon de Paris, j’ai voulu apporter un regard nouveau sur mes reportages. Pourquoi ne pas y ajouter une ou, la majorité des portraits n’étaient-ils pas flous à cause d’une émulsion pas assez sensible allongeant la pose, et enregistrant des mouvements irrépressibles de la part du modèle ? On peut y voir également de nombreuses possibilités créatives : la métaphore du fleuve, le paradoxe entre les bâtiments fixes et la foule mouvante… Encore fallait-il réussir à appliquer la technique aux participants du marathon. La première difficulté est de comprendre comment cadrer l’image pour que l’effet de flou soit saisissant. Au niveau des coureurs, un temps de pose de plusieurs dizaines de secondes donne une masse presque transparente, où les bâtiments en arrière-plan apparaissent dilués. Une vitesse de quelques secondes seulement permet d’obtenir une foule opaque, mais encore trop figée : on reconnaît les silhouettes humaines, ce qui gâche l’idée du fleuve. Il faut donc anticiper sur le fond qui sera visible derrière les sportifs. En se plaçant au-dessus de ces derniers grâce aux nombreux ponts qui enjambent la Seine, le problème est résolu : le fond sera la chaussée, souvent d’un gris proche du neutre. Les tenues colorées des coureurs ressortiront bien mieux ainsi. La composition de l’image sera simple : après avoir monté le boîtier sur un trépied stable, on répartira les marathoniens en filé le long d’un tiers, les bâtiments parisiens de l’autre, et l’on jouera sur les diagonales pour dynamiser l’ensemble. Le plus important est de laisser une grande place au fleuve de coureurs, élément central de l’image. Ne reste maintenant que la partie la plus complexe, l’exposition. Il faut d’abord déterminer le bon temps de pose : plutôt court (quelques secondes) ou beaucoup plus long ? Après quelques essais, le rendu qui semble le plus intéressant est obtenu après environ vingt secondes de pose. Pour compenser l’immense quantité de lumière printanière qui vient frapper le capteur pendant tout ce temps, fermer le diaphragme et diminuer la sensibilité est obligatoire. Cela a d’autres avantages : optimiser le piqué de l’objectif (rarement très bon à pleine ouverture) et diminuer le bruit numérique. Certes, mais cela ne suffit pas : l’image est encore surexposée. Un accessoire connu des pratiquants de pose longue entre alors en jeu : le filtre à densité neutre (ou filtre ND pour “neutral density”). Plus ou moins opaque selon sa densité (2, 4, 8, 16, jusqu’à 1000 et plus), il amoindrit la quantité de lumière qui traverse l’objectif et permet ainsi de compenser l’exposition sur une pose “trop” longue. Dans le cas du marathon, souvent en fin de matinée, un ND 1000 est nécessaire. Ce dernier est tellement opaque qu’il ne donne plus la possibilité de viser ni de régler son appareil. Il doit donc être monté en dernier, après que tous les réglages (vitesse, ouverture, sensibilité et surtout mise au point manuelle) ont été faits. L’appareil étant désormais prêt à se déclencher, il ne reste plus qu’à attendre les conditions idéales : un petit rayon de soleil et surtout une foule de coureurs suffisamment compacte. Ces conditions sont souvent réunies à partir de 11 h, alors que les coureurs qui réussissent à parcourir les 42 km de course en quatre ou cinq heures (les plus nombreux à Paris) longent la Seine. Attention au moment de déclencher : il vaut mieux utiliser une télécommande pour ne pas faire bouger votre boîtier. À ce sujet, il est parfois pratique d’investir dans des grands-angles d’ancienne génération, comme ici un 24 mm AF-D : il est certes moins lumineux et moins piqué à pleine ouverture, mais il reste correct dès que l’on ferme un peu le diaphragme et, surtout, il est petit, léger et très peu cher sur le marché de l’occasion. En plus, son petit diamètre de 52 mm permet d’acquérir d’excellents filtres pour une somme modique. Côté développement, une attention particulière doit être prodiguée aux coureurs : de l’accentuation et de la saturation peuvent être ajoutées pour les faire ressortir dans l’image. Il est aussi possible de nettoyer un peu la chaussée des nombreux détritus qui la recouvrent lors du marathon.

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