Le plus proche voisin de Gontrand était un aristocrate qui portait – comme lui – le titre de comte. Ils étaient tous deux propriétaires d’un vaste domaine. Gontrand avait hérité le sien à la mort de ses parents, victimes tous deux d’un vilain coup de froid qu’aucun médecin n’avait réussi à soigner. Depuis, il y vivait seul. Il avait maintenant 37 ans et, gardant en mémoire les éternelles disputes entre père et mère, le désir ne lui était jamais venu de prendre femme.
Jusqu’à cette réception chez le comte, où il rencontra Eléonore, sa fille. Il avait eu peu d’occasions de la croiser, bien qu’il fréquentât régulièrement son père, se joignant à lui et à d’autres de ses invités pour s’adonner à la chasse au faucon.
Louis XIII, en accédant au trône, avait remis à la mode ce genre de chasse qu’il appréciait particulièrement et à laquelle il se livrait quand les charges royales lui en laissaient le temps. Les gentilshommes du royaume l’avaient aussitôt imité, le père d’Eléonore et Gontrand les premiers.
La dernière fois que Gontrand avait aperçu Eléonore, elle jouait dans le parc de la grande propriété familiale avec son chien. C’était deux ans plus tôt, et il se souvenait d’une enfant : elle était devenue une femme.
Après la réception, il avait regagné son château, songeur. Et s’il demandait sa main ? Elle n’était pas laide et ne pourrait donc lui faire honte ; elle se montrait réservée, ce qui augurait une soumission qu’il était en droit d’espérer d’une bonne épouse.
Par ce mariage, et c’est ce qui lui importait le plus, il réunirait alors son fief à celui du père de la jeune fille : un immense domaine dont il deviendrait le seigneur à la mort de ce dernier. Un comté sur lequel il régnerait en maître absolu.
Dès le lendemain il s’était mis à faire sa cour.
A Eléonore, bien sûr, à la mère de celle-ci