Il est l’une des personnes qui connaît le mieux les ressorts intimes de Vladimir Poutine, pour avoir osé défier le « tsar » et subi son châtiment – il a passé dix ans en prison et dans un camp de travail en Sibérie. Exilé à Londres depuis 2015, Mikhaïl Khodorkovski, l’ancien patron du géant pétrolier Ioukos, qui fut l’homme le plus riche de Russie, continue à être menacé par le Kremlin. Il faut dire que l’ex-oligarque, à la tête d’une fondation visant à la démocratisation de son pays, s’est imposé comme un adversaire particulièrement pugnace du président russe. Dans son livre The Russia Conundrum (Ed. WH Allen, non traduit), il décrit le régime dictatorial de Poutine comme un système mafieux gangrené par les services de sécurité. Il a acquis la conviction que l’ancien officier du KGB était capable des « crimes les plus terribles » et réfléchit à la façon de reconstruire la Russie après son départ, persuadé que ce pays peut sortir « d’une succession sans fin de dictatures ». L’opposant de 59 ans a reçu L’Express dans ses bureaux du centre de Londres.
L’armée ukrainienne a repris dernièrement nombre de territoires aux Russes : assiste-t-on à un tournant dans la guerre en Ukraine ?
Mikhaïl Khodorkovski Oui et non. D’une part, ce tournant psychologique est vraiment très important. C’est la première fois que l’armée russe est vraiment en train de perdre. Est-ce que cette défaite est un tournant dans la guerre ? Nous ne le savons pas. Aujourd’hui, Poutine doit prendre une décision : va-t-il continuer la guerre avec les moyens actuellement à sa disposition ? Va-t-il chercher à les accroître en déclarant la mobilisation générale ? Ou bien va-t-il vouloir engager des pourparlers ?
Dans le premier scénario, tout dépendra de la position de l’Occident. Si l’Occident augmente les livraisons d’armes, étant donné la façon dont la guerre est menée aujourd’hui, Poutine va la perdre. Dans le cas contraire, ce conflit va se prolonger et les événements actuels ne seront qu’un épisode parmi