D’une part, la série de luminaires « Akari », en papier washi et bambou, née en 1951 et poursuivie pendant trente ans pour aboutir à plus de 240 formes produites à la main par l’entreprise nippone Ozeki. Noguchi y voyaitorganisant le mariage de l’ombre et de la lumière, du matériel et de l’immatériel, de l’Orient et de l’Occident, de la sculpture et du design. D’autre part, la célèbre « Coffee Table » pour Herman Miller, Ces totems ont éclipsé le reste de l’œuvre protéiforme d’Isamu Noguchi (1904-1988). D’où l’intérêt de cette première rétrospective complète en Europe depuis plus de vingt ans où apparaissent l’artiste expérimental, transdisciplinaire, fasciné par les matériaux et la technologie, par la relation de l’être humain à la terre, infusant la culture japonaise dans l’esthétique occidentale, et l’inlassable voyageur. En soixante ans, il aura créé des monuments à message politique, des objets lumineux, des céramiques, des jardins, à la recherche d’un lien entre l’art et la vie quotidienne. Il fut assistant de Constantin Brancusi à Paris, étudia le dessin au pinceau en Chine, expérimenta la poterie et le jardinage au Japon, fut designer de scène, accessoires et costumes pour la chorégraphe Martha Graham... Il ne cessera d’osciller entre sa double culture – il est le fils du poète japonais Yonejiro Noguchi et de la journaliste américaine Léonie Gilmour. Comme 120000 Américains d’origine nippone, il fut placé dans un camp après l’attaque de Pearl Harbor. Son opposition au racisme et à la violence se reflète dans nombre de ses œuvres. La rétrospective commence par des portraits abstraits et réalistes, évolue vers les sculptures surréalistes des années 1940 et se termine avec un projet conçu deux ans après Hiroshima, et jamais réalisé. Il figure un visage humain à la surface de la Terre, vu depuis l’espace, rappelant que l’humanité façonne et détruit sa planète.
