La Révolution en boucle
es romans qui vous embarquent, par le truchement d’un personnage, dans la traversée exhaustive d’un siècle ou d’un phénomène historique de grande ampleur, où le SS Max Aue séjournait sur la quasi-totalité des fronts européens ouverts par l’Allemagne nazie. Le Colombien Juan Gabriel Vásquez a résolu le problème: sa retrace la trajectoire d’une famille de révolutionnaires partie de l’Espagne en guerre civile, passée, entre autres, par la République dominicaine, puis par la Chine maoïste, avant de rallier la guérilla colombienne… Et pourtant, le roman n’invente rien! Fausto Cabrera, comédien hispanocolombien et organisateur de ces pérégrinations délirantes, a bien existé. Grâce à lui, ses enfants, Sergio et Marianella, ont connu l’hôtel de l’Amitié – où Pékin rangeait les étrangers –, les usines de réveille-matin et les joies de la Révolution culturelle chinoise, avant d’aller jouer leur peau dans la désastreuse guérilla colombienne. Cela n’empêcha pas Sergio de devenir un célèbre réalisateur, sur lequel une rétrospective serait organisée à Barcelone – d’où s’enfuit jadis sa famille… Malgré sa complexité, ce livre se dévore comme une incroyable aventure – car Juan Gabriel Vásquez a développé une écriture trépidante pour naviguer d’un personnage à l’autre, du présent au passé; de l’idéal révolutionnaire à ce qu’en ont fait ses défenseurs. Une écriture à la hauteur de sa prodigieuse matière, qui vous emmènera très loin – et rapprochera peut-être son inventeur du Nobel.