L’histoire de ma femme Sombre eros de la mer
il sera moins question, dans d’une héroïne que de l’homme qui l’a épousée. Lizzy est une demi-mondaine choisie au hasard d’un pari entre copains. Jakob est un capitaine de navire au long cours. Entre eux se noue une relation qui a tout d’une partie de poker nous fait assister au naufrage de ce couple durant trois heures – le temps pour que passe une vie à se louper, ne pas se comprendre, jouer parfois. Mais à qui la faute? Celle de Lizzy, qui semble tromper son ennui de femme de marin en multipliant les liaisons (avec un Louis Garrel en dandy tête à claques)? Ou celle de Jakob et de sa possessivité excessive? Comme chez Marcel Proust et Henry James le mystère reste entier. Et sous le lustre des années folles, l’amour vire aux sentiments nécrosés. Et le pourrissement des cœurs est sondé dans un film étincelant à la facture faussement classique. La modernité jaillit partout: ellipses audacieuses et faux raccords volontaires, jeu énigmatique de Léa Seydoux… Face à elle, Gijs Naber incarne le symbole du héros romantique en crise. Homme en souffrance, faux prince charmant, il est ce mâle occidental pris en étau entre deux guerres, qui ne trouve plus ses marques, condamné à naviguer sur les mers comme un fantôme. À travers sa virilité traditionnelle en berne, la réalisatrice offre une plongée dans une psyché masculine aveuglée par sa jalousie et incapable d’aimer. Dommage que Lizzy soit parfois trop perçue comme une coupable, tant on devine son expérience aussi dense et complexe que celle de son mari. Mais c’est un autre film – à nous de l’imaginer.
