LES HABITS DU POUVOIR
Dans un monde ultraconnecté où l’image prend souvent le pas sur le discours, la mode est plus que jamais une arme politique
Trop courtes, trop moulantes, trop décolletées, trop décontractées, trop féminines et voire même parfois trop sexuelles… Depuis quelques années, les tenues des femmes politiques françaises sont scrutées, analysées, décortiquées sur les réseaux sociaux et suscitent des débats animés dans le reste des médias au moindre fashion faux pas. Sans parler des punchlines sexistes ou déplacées de certains mâles dominants. Et tous les moyens sont bons pour déstabiliser son adversaire ! On se souvient par exemple de l’affaire des vêtements très coûteux de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Rachida Dati, du « soutif » apparent de Najat Vallaud-Belkacem, de la robe blanche imprimée de fleurs bleues de Cécile Duflot sifflée à l’Assemblée nationale, du jean gris délavé de Valérie Pécresse, de la mini-robe trop remontée sur les cuisses de siècle, les préservent de l’extravagance et par conséquent de la moquerie.» Un sentiment que partage Sophie Lemahieu, historienne de la mode à l’École du Louvre et autrice du livre « S’habiller en politique. Les vêtements des femmes au pouvoir, 1936-2022 » : « On parle très souvent des tenues des femmes politiques en les réduisant, parfois, à leur physique, à la différence des hommes. Au-delà du vêtement, même une coupe de cheveux peut être interprétée. Toute évolution entraîne en effet un questionnement de la part des médias ou du public: pourquoi cette transformation ? Ses idées ont-elles changé ? Quel message cherche-t-elle désormais à faire passer? Ou: pourquoi cherche-t-elle à détourner l’attention par son allure ? » Dans un monde ultraconnecté où les photos envahissent Instagram et où l’image prend bien souvent le pas sur le discours, loin d’être futile, la mode est plus que jamais une arme politique comme une autre. Aux XVII et XVIII siècles, dans les cours d’Europe, les rois « faisaient » les modes et les gens les suivaient. Le vêtement était alors un faire-valoir, le miroir de la condition sociale. Mais l’adoption du régime démocratique et le système républicain ont imposé la sobriété, le classicisme et la constance. Une seule devise: l’électeur dans le viseur ! « L’habit, c’est notre carte d’identité, note l’historienne de la mode Florence Müller. Il nous révèle et nous définit tous les jours. Tout ce que l’on porte dévoile des choses sur notre personnalité et sur la façon dont on veut se définir par rapport aux autres. C’est un préambule silencieux au discours, une réelle prise de position que l’on peut lire, souvent de manière inconsciente, et qui en dit long sur nos convictions, qu’elles soient morales ou politiques.»
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