La porte coulisse et vous entrez dans la voiture-bar. James Bond sirote son Martini (au shaker, pas à la cuillère), en grande conversation avec Howard Hughes. Au fond, Ernest Hemingway mâchonne son cigare en torturant sa machine à écrire; à la table voisine, Scott et Zelda Fitzgerald se disputent à mi-voix sous les yeux désabusés de Lauren Bacall; Tolstoï s’est endormi sur l’épaule de Coco Chanel qui scrute Marlene Dietrich et Jean Gabin, très amoureux… Serrée dans votre kimono de soie bariolée comme dans un plumage, vous demandez au barman de vous servir un cocktail old fashioned, et vous vous laissez bercer par le doux tangage du train. Vous fermez les yeux et plongez dans la légende de l’Orient Express.
Le 4 octobre 1883, le convoi le plus luxueux du monde quitte la gare de l’Est. Il rallie Paris à Constantinople en moins de soixante-seize heures. Une prouesse technique. Véritable palace roulant, l’ son nom initial, dévoile surtout la magnificence de ses décors, marqueteries de bois précieux, étoffes rares et cuirs fins. Écrivains et journalistes, divas et espionnes, grands Trente ans plus tard, l’intervention du décorateur René Prou et du maître verrier René Lalique poussera plus loin encore le curseur du raffinement. Le gratin de l’époque se retrouve dans la voiture-restaurant Art déco du nouvel pour savourer mets et vins d’exception. On raconte même que certains passagers montent à bord deux ou trois heures, uniquement pour profiter du festin. Mais, pendant la guerre froide, la vitesse commerciale (55 km/h) et les interminables arrêts douaniers dans les pays communistes traversés ne résisteront pas face à la démocratisation des voyages en avion. En 1977, la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL) abdique. C’est compter sans les récits des grands voyageurs, les intrigues d’Agatha Christie ou les poèmes de Guillaume Apollinaire qui ont tissé une vraie légende. L’ ne peut pas mourir. Il ne fait que s’assoupir. Le phénix va renaître, accrochez-vous pour suivre son parcours…