En pleine guerre, en mai 1916, la France et la Grande-Bretagne signent secrètement un accord de partage du Proche-Orient: les accords Sykes-Picot. En 1919, la toute jeune Société des Nations (SDN) valide cet accord en attribuant aux deux puissances des mandats de gestion sur la région. A la fin de l’année, la Grande-Bretagne, qui a occupé le terrain militairement jusque-là, se recentre sur les territoires qui lui sont dévolus et qui, comme par hasard, assurent la protection de la route des Indes: Palestine, Egypte (et Irak, pour le pétrole)… Avant de laisser à la France la part qui lui revient, elle prend soin de placer à Damas un jeune roi venu d’Arabie: Fayçal. Lawrence d’Arabie est de l’aventure. Fayçal est l’un des fils de Hussein, chérif de La Mecque, auquel les Britanniques viennent d’offrir le trône d’un nouveau royaume: le Hedjaz. Là encore, le but est de s’assurer des appuis dans la maîtrise de la circulation en mer Rouge… En novembre, ses intérêts confortés, le Royaume-Uni peut remettre à la France, l’esprit tranquille, les clés de la Syrie et du Liban, en application du mandat de la SDN.
Albert Londres, qui depuis la fin de 1917 attend en vain une ouverture du côté de Moscou pour aller voir ce qui se passe dans la toute jeune Russie bolchevique (comme on disait à l’époque), se résout à accompagner le général Gouraud dans sa prise de fonction en tant que haut-commissaire de la République française au Levant. Le journaliste, enthousiaste au début, va se faire plus critique au fil des jours. Mais il est contraint à une certaine retenue par son employeur, le journal . Il va alors doubler sa série d’articles par une autre, sous le pseudonyme d’«Aigues-Mortes», pour le compte du . Le style y est un peu plus relâché, moins typiquement repérable, mais souvent plus direct. C’est