LES AILES DE SON DÉSIR
La langue allemande est d’une grande créativité. J’en sais quelque chose : je n’en parle pas un mot. Cette manière de composer des néologismes à l’infini par juxtaposition de termes m’est apparue à la sortie du confinement.
À l’époque, la chancelière Angela Merkel en a créé un de toutes pièces pour redouter alors l’« ouverture des orgies de discussion » (Öffnungsdiskussionsorgien). Ensuite, la pandémie étirée a été l’occasion de formuler en un seul mot l’étrange « envie ressentie en voyant une personne se faire vacciner » (impfneid) ou encore « une bière à distance » (abstandsbier). Mille deux cents expressions sont nées pendant cette période. C’est mille de plus que la moyenne annuelle.
Quelque part en Seine-Saint-Denis, à l’écart dans une pièce qui surplombe un studio de photo, sous la chaleur écrasante d’un premier jour de juillet et dans une odeur de poussière que seuls parviennent à enfermer les greniers, Diane Kruger est là devant moi – et je pense à la langue allemande.
Elle déplace un canapé capitonné pour faire entrer un peu d’air, s’assied pour entamer le bento posé sur la table et sourit. Cela fait plusieurs heures qu’elle passe les plus beaux looks sélectionnés pour elle, mais elle n’a pas besoin de bien plus que ce T-shirt blanc tout simple qu’elle porte à cet instant. Ses paupières sont encore pailletées de bleu comme dans de Fabienne Berthaud, américain sorti en 2016 dans lequel elle incarnait Romy, jeune femme qu’une rupture amoureuse conduisait de la vacuité de Las Vegas aux routes du Nevada. « La covid a remis toutes les pendules à l’heure, me dit-elle tout de suite. Je me suis rendu compte à quel point j’étais gâtée, combien j’avais une vie privilégiée. » Elle développe alors le plaisir de revenir sur un plateau, d’être maquillée, regardée, de partager cette séance qui lui semble être une forme de création, toutes ces choses qu’elle connaît par
