ELLE VOYAGE EN SOLIDAIRE
À bord de son truck aménagé, cette sexagénaire sillonne les grands espaces de l’Amérique, ses climats contrastés. Bravant tempêtes et canicules, elle survit de petits boulots, un jour serveuse dans un bar, l’autre manutentionnaireen 2015) et le second dans une région pauvre habitée par des amateurs de rodéos (en 2017). Chloé Zhao filme avec grandeur les oublié·es du système, les déraciné·es. Et on se prend à rêver à ce qu’auraient été les westerns s’ils avaient été mis en scène par des femmes. John Wayne aurait ressemblé à Frances McDormand : actrice filmée ici à l’état brut, le visage buriné comme celui d’un vieux chef indien. Les héros n’auraient pas été des cow-boys à la gâchette facile, mais cette communauté de voyageur·ses solidaires lié·es par l’entraide et la débrouille. On suit Fern et ses ami·es… elle surtout, que la mélancolie dévore (elle a perdu un mari) mais qui se ménage des instants de pure contemplation : la rougeoyante beauté d’un coucher de soleil, l’harmonie humaine d’un campement éphémère, et cette traversée de décors grandioses, comme captés pour la toute première fois. Avec un lyrisme qui arrache des larmes. Après Andrea Arnold et sa belle cavalcade enfiévrée (), Kelly Reichardt et son art des errances impressionnistes (), Chloé Zhao rejoint le club très prisé des réalisatrices qui ont su régénérer un cinéma indépendant américain à bout de souffle ces dernières années. a d’ailleurs obtenu le Lion d’or à la dernière Mostra de Venise. Une célébration du voyage qui, dans un monde confiné, ne pouvait que produire un bouleversant appel d’air.
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