Féministe ta mère
« Émue par le souvenir d’un père forcément idéal (le mien) parce que c’était son homme (à elle) mais aussi parce qu’il était mort, ma mère s’interrogeait sur l’étrange surdité nocturne qui semblait frapper les hommes (dont leBam. L’assertion avait le mérite de clore son débat interne. Et d’ouvrir le nôtre. Je n’ai pas rappelé qu’à chaque avancée féministe, on a brandi le malaise masculin pour nous faire reculer. Je n’ai pas souligné que, du même coup, on accorde aux hommes l’intelligence et le courage d’un hanneton prépubère. J’ai fait dans le concret : les chiffres. Cinquante ans, c’est le temps moyen pour observer une mutation sociétale : les effets réels de #MeToo ne seront pas mesurables avant 2067. Cinquante, c’est aussi le nombre d’années depuis lesquelles on s’extasie devant l’émergence des “nouveaux pères” qui, dans nos représentations, ont supplanté le père Fouettard – parce qu’au même moment le “chef de famille” disparaissait du Code civil. Depuis, quand on dit “père”, on pense câlins. La main paternelle n’est plus ce poing serré à s’en blanchir les phalanges, frappant le coin de la table pour intimer le silence. C’est heureux. Mais ça n’est toujours pas celle qui essuie le caca. Quatre-vingt-quinze, ce sont les minutes que les mères consacrent chaque jour aux enfants. Soit deux fois plus que les pères qui, certes, s’impliquent (un peu) plus qu’avant, mais plutôt pour jouer que pour changer des couches. Et plutôt le week-end que la semaine . Parce que la semaine, papa travaille. Dans une entreprise qui, restée bloquée dans les années 60, voit d’un très mauvais œil l’investissement paternel. Si, comme les féministes le demandent, le congé de paternité devenait obligatoire, alors les pères n’auraient plus d’échappatoire, de comptes à rendre à leur employeur, et pourraient prendre la place qui leur revient. Ce qui ne réglerait pas pour autant cet étrange problème de surdité nocturne. »
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