Les musts de la hi-fi
L’année 2020 et son cortège de nouvelles peu rassurantes n’aura pas eu totalement raison de la créativité des marques de haute-fidélité, même si elles ont dû appuyer sur la touche pause. On y aura quand même constaté la percée des fabricants japonais comme Rotel avec sa série premium Michi, Technics surfant sur le retour en grâce du vinyle, ou encore Yamaha avec une gamme complète qui vise les sommets y compris en enceintes, contrastant avec l’absence regrettée de Pioneer et Onkyo, tandis que Denon et Marantz tiennent leur rang avec une gamme étendue pour tous les budgets. Côté sources, alors que le SACD aura fait long feu, le déclin du CD n’en finit pas de s’annoncer sans réellement se produire. Si le streaming est depuis 2018 le premier pourvoyeur de musique en France, les lecteurs de Diapason restent attachés à leur galette de 12 cm dont le format n’est pas si obsolète que cela. Ce serait nier l’importance du travail des musiciens et des preneurs de son sans lesquels la technique n’est qu’une enveloppe vide. Las, mis à part des marques comme Esoteric, Luxman, Accuphase, Roksan ou Ayon, plus grand monde ne se risque à sortir sur le marché des machines dédiées avec une certaine ambition. Le vinyle, cette usine à sensations, mobilise de nombreux fabricants, séduit les jeunes générations, mais pas assez les éditeurs de musique classique. Au rayon enceintes, les constructeurs européens rivalisent de créativité, français en tête. Haut-parleurs sans fil et chaînes tout-en-un séduisent un autre public, sensible à la luxuriance des catalogues de streaming. Au bénéfice du plus grand nombre!
Enceintes
Q-ACOUSTICS 3030i
Que peut-on espérer d’enceintes à tout juste 399 € la paire? Difficile question à laquelle les Anglais de Q-Acoustics répondent avec la 3030i, une 2 voies compacte, musicale et aboutie. Le haut-parleur principal de 16,5 cm permet à la 3030i de descendre à 46 Hz dans un volume de tout juste 12,5 l accordé en bassreflex. La façade n’est guère plus large que le haut-parleur afin d’éviter les effets de bord et rendre l’enceinte plus harmonieuse. Il est vivement conseillé d’opter pour les pieds de la marque – une option à 200 € – pour positionner les 3030i à hauteur idéale d’écoute et les décoller suffisamment du mur récupérant ainsi le surcroît d’énergie dans le grave généré par l’évent situé à l’arrière.
L’écoute
Les tweeters sont placés au plus près des boomers, découplés mécaniquement, et le raccord se fait assez haut vers 2 400 Hz. Ces enceintes sont étonnantes. La restitution est ample et spatiale, avec des pupitres bien étagés et une forme d’aisance sur les grandes formations auxquels on ne s’attendrait pas venant d’une 2 voies aussi compacte. Le grave est charpenté et profond. Aérien et fruité, le haut du spectre fait preuve de nuance et de grandes qualités d’expression. Le tout est parfaitement intégré, extraverti sans jamais déborder ni lasser. Grâce à un tel caractère, on peut objectivement trouver à ces enceintes une forme de réalisme bien tempéré dans leur capacité à traduire l’émotion. De quoi poser la base d’un système aussi élégant que déjà très mature sur le plan musical.
Les +: Une belle cohérence d’ensemble.
Les -: Guère de reproches à ce tarif.
TRIANGLE BOREA BR08
La BR08 est une élégante colonne 3 voies 4 haut-parleurs dont la forme assez sage ne laisse pas deviner qu’elle dérive en technologie de la gamme Esprit Ez. Deux boomers en parallèle améliorent le rendement qui affiche un enviable 92 dB/W/m. En découle un grave charpenté qui procure une belle ampleur à la restitution. D’autant que ce grave, par le truchement de renforts et d’amortisseurs internes n’est pas entaché de traînage. L’autre bonne surprise provient du couple haut-parleur médium + tweeter. Le médium de 16 cm à membrane papier s’avère aussi expressif que naturel. L’aigu suit sans difficulté, son dôme étant muni d’une amorce de pavillon et d’une lentille acoustique pour garantir une dispersion polaire aussi étendue que possible.
L’écoute
Les Borea BR08 séduisent instantanément par leur belle vigueur et par l’ouverture de la scène sonore qu’elles distillent avec aisance et style. On n’obtiendra pas le degré de finesse d’enceintes valant dix fois leur prix, mais ce qu’elles font est convaincant et au-delà de leur zone tarifaire. Le test des percussions du Berry Hayward Consort est saisissant, tant du point de vue de la dynamique que de la variété des timbres, attaques, sons de peaux et bruits de baguettes (Juan del Encina, BNL). Idem pour l’épaisseur charnelle du jeu de Savall interprétant Captaine Tobias Hume (Astrée), ou le piano de Claude Helffer dans la Sonate no 2 de Pierre Boulez (Astrée). Avec les BR08, Triangle vise un nouveau standard dans la catégorie.
Les +: Ouverture et énergie.
Les -: Il faut un ampli qui tient le grave.
DAVIS COURBET N° 4
Cette colonne intégralement made in France séduit d’emblée. L’accent a été mis sur l’ouverture, le respect de la phase et la linéarité, due aussi au recouvrement très haut avec le tweeter (4 000 Hz) apparentant le fonctionnement du 13 cm à un quasi large bande. Cette enceinte paraît simple, elle est en fait pensée dans ses moindres détails. Outre l’aspect, la forme penchée de la caisse participe à la rigidité, à la diminution des ondes stationnaires et à la mise en phase des deux haut-parleurs. Campée sur son socle de bois clair, on pourra l’équiper ou non de pointes. L’usage de celles-ci se caractérisant par un grave sec et tendu, à choisir à l’écoute.
L’écoute
On se frotte les yeux. Comment un hautparleur de seulement 13 cm, certes épaulé par un excellent tweeter, peut-il aboutir à une restitution aussi libre? Le fonctionnement en quasi large bande est une approche très pertinente, grâce à sa coupure vraiment haute, ce qui aboutit à lui faire reproduire la quasi-totalité des fondamentales des instruments de l’orchestre et des voix. Le tweeter prend le relais pour détailler les harmoniques avec finesse. Associé à une charge bien calculée, l’enceinte délivre un grave nerveux et profond, miraculeux pour un tel haut-parleur. Ce qui caractérise cette enceinte, c’est une mise en valeur des plans sonores, un naturel et une évidence dans la description des instruments et des voix avec le soin des perspectives, la véracité des timbres et un sens du beau inattendu à ce niveau de gamme. Une vraie réussite.
Les +: Naturelle typée large bande.
Les -: Pas de bi-câblage, tant pis.
ACOUSTIC ENERGY AE509
o ndée par Phil Jones en 1987, Acoustic Energy est une marque anglaise qui a construit sa réputation avec une enceinte 2 voies compacte initialement destinée à l’écoute de proximité en studio, la célèbre AE1. Bien des années ont passé et les gammes se sont enrichies. La série 500 est la toute dernière gamme lancée fin 2019. L’AE509 est une colonne 2 voies usant de solutions techniques confirmées. En l’occurrence un couple de haut-parleurs de 12,5 cm de diamètre et un tweeter à dôme de 25 mm chargé par une amorce de pavillon, à membranes, en carbone tressé. Les parois des caisses acoustiquement passives sont constituées d’un sandwich MDF 6 mm / Bitume 3 mm / MDF 9 mm (Resonance Suppression Composite). Les haut-parleurs occupent le haut de la colonne en montage d’Appolito et l’évent débouche à l’arrière avec un enviable 32 Hz à -6 dB.
L’écoute
Les AE509 sont vivantes sans être exubérantes. La restitution offre quelque chose de consistant et fluide, harmonieux et d’une séduction palpable. Peu directives, elles affichent un souci permanent de bien faire: timbres justes, image sonore au cordeau bien que légèrement frontale, belle lisibilité des registres, dynamique convaincante (les percussions et le piano), choeur placé au millimètre et voix traduites dans toute leur vérité. Les AE509, c’est l’assurance d’une enceinte qui ne lassera jamais son auditeur et permettra de révéler la qualité des prises de son et des interprétations. Une belle entrée en musique.
Les +: Belle rigueur et juste émotion.
Les -: Une pointe d’introversion.
FYNE AUDIO F502 SP
La F502 SP est une imposante colonne haute de 1,11 m et profonde de 38 cm implantée sur un socle ouvert à 360° qui joue le rôle d’évent de décompression pour le grave. Cette configuration, baptisée diffuseur Tractrix BassTrax, est reliée à une charge double accordée, procédé utilisé à une époque par des marques comme Elipson ou Kef afin d’augmenter la réponse grave. Le coeur de l’enceinte est un coaxial de 20 cm de diamètre, avec en son centre un tweeter à chambre de compression et pavillon en laiton. Un second boomer vient l’épauler en deçà de 250 Hz, d’où la configuration dite 2 ½ voies, avec un grave solide qui descend à 30 Hz.
L’écoute
On les attendait au tournant, ces enceintes qui nous rappellent quelque chose de connu. Un peu comme si une vénérable Tannoy avait jeté aux orties son habit par trop empesé. Au programme de cette colonne, l’équilibre sur tout le spectre, l’espace autour des interprètes, la beauté et la véracité des timbres, la bonne extinction des notes et la perception de l’acoustique des lieux, en bref le sentiment d’y être. On ne dira jamais assez à ce sujet l’importance du registre grave pour crédibiliser l’acoustique d’un lieu, pour poser les interprètes et ancrer le programme dans le réel. Ici ce registre est pris en charge par un haut-parleur dédié et cela se ressent. Les contrebasses de L’Oiseau de feu dirigé par Boulez en sont une vibrante démonstration. Autre réussite, la capacité à rendre le timbre particulier des voix et des instruments, à mettre au crédit du coaxial.
Les +: Vivantes, libres, et quel grave…
Les -: Pas grand-chose à ce prix.
SONUS FABER MINIMA AMATOR II
En 1992 naquit la Minima Amator première du nom. La série II reprend tous les codes de sa grande soeur: un coffret en noyer massif poli et ciré aux angles arrondis, un baffle et une face arrière recouverts de cuir noir, des hautparleurs traditionnels, choisis pour leur musicalité, soit un grave-médium de 15 cm à membrane en pulpe de cellulose, un tweeter en soie enduite Damped Apex Dome avec lentille de diffraction, et des bornes en laiton massif, naturalmente si! Objets sonores autant qu’objets de convoitise, les Minima Amator II sont d’implacables séductrices.
L’écoute
Le bilan est éminemment positif: piano et voix bien timbrés, attaques légères et nuancées, décroissances lisibles dans le temps, bel étagement des plans sonores en réelle 3D. Fors la réponse dans le bas, tronquée, forcément tronquée, mais pas totalement gommée non plus: à preuve la séquence des tambours japonais, redoutable pour un petit haut-parleur, qui passe sans talonnage et même une certaine crédibilité. Trente ans après, la série II reste l’une des compactes les plus crédibles sur le plan de la cohérence musicale, y compris sur un ensemble choeur plus orchestre, si difficile à traduire. La structure classique des transducteurs et le coffret parfaitement inerte étant responsables de ce bilan. Limpide et lumineuse.
Les +: Timbres, zéro crispation, naturel et classe.
Les -: Un grave ébauché, avec grâce.
B&W 702 SIGNATURE
La 702 Signature ressemble à une 702 S2, en mieux. Même tweeter à dôme carbone placé dans une ogive anti-tourbillonnaire en aluminium, même médium de 15 cm de diamètre à cône « Continuum », mêmes trois boomers de 16,5 cm à profil de cône « Aerofoil » pour un grave nerveux et une très bonne tenue en puissance. Les différences à présent: une ébénisterie en finition exclusive « Datuk Gloss », et un filtre optimisé avec des composants de meilleure qualité (capacités Mundorf MCap SilverGold et résistances sur radiateurs), voilà pour l’essentiel. Pour le reste, B&W conserve jalousement le secret, tant sur le filtre que sur les fréquences de coupure…
L’écoute
Si le secret est bien gardé, la musique, elle, est servie de manière lumineuse et limpide. Leur domaine, c’est la restitution en grand format, elles dressent tout de suite un panorama sonore formé d’une quantité d’informations tout en nuances, sans jamais tomber dans l’excès, apportant un pouvoir de différenciation presque inouï dans les différents registres et ne succombant pas au piège de l’hyper définition. Les 702 Signature donnent le sentiment d’entendre plus d’informations que d’autres enceintes, au moins dans leur catégorie. C’est à la fois fascinant et réjouissant, parce qu’on pénètre vraiment au coeur de la matière
