Les valises de Jean Genet
l y a six ou sept ans, Albert Dichy m’a dit d’un air gourmand: « Viens, on va chez Roland Dumas, il a les valises de Jean Genet. » Dans la bouche du plus grand spécialiste de l’écrivain, la chose avait l’air d’une aventure. Elle m’a fait bêtement frissonner, comme si l’aile scandaleuse de Genet pouvait nous frôler à nouveau par l’intercession magique de son ancien avocat. Je me souviens de la pénombre d’un bureau sur les quais de Paris, où rayonnaient le corps massif du vieux ministre, ses cheveux d’argent, l’expressivité de ses mains. De son regard émanait une séduction intacte malgré les années, de l’une de celles qui se portent seules, sans avoir besoin de vous pour s’exercer. Son visage pétri par le temps était illuminé d’une joie juvénile, celle des mauvais coups. Longtemps il a raconté Genet, la manière dont il déboulait régulièrement, ses colères. Son cercueil. Sa tombe au Maroc. J’attendais sagement de voir enfin les valises.
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