Anouilh, comme un voleur ?
La pièce de Jean Anouilh est l’une des œuvres littéraires les plus étudiées au lycée. Elle réactualise l’ancienne légende en la déplaçant dans le contexte historique de l’Occupation et du conflit entre la: L’Antigone […] […][…]. Il en a tiré une tout à fait remarquable et très différente de l’originale. Le prologue devient un personnage qui présente les autres protagonistes en dévoilant comment la pièce va finir pour chacun. Le spectateur d’Anouilh, comme celui de Sophocle, connaît ainsi par avance l’histoire qu’on lui montre. Mais les dieux grecs s’étant depuis longtemps enfuis, les personnages d’Anouilh n’y font plus guère référence. Antigone est une rebelle moderne : la piété, les divinités souterraines, ce n’est pas son truc. Elle y gagne en humanité. Sa conduite s’explique par des motifs psychologiques. C’est une résistante, une patriote courageuse dont l’attitude sans concession a des conséquences dangereuses. Créon aussi s’humanise. Il n’a plus la brutalité du tyran de Sophocle. Sceptique, comme la génération qui avait fait la guerre de 14, il a du bon sens, essaye d’éviter le pire. Il est plutôt le vainqueur de la pièce. De là à y voir une apologie cryptée du régime de Vichy, il y a un pas qu’on ne peut franchir qu’à la condition de ne pas y annexer l’auteur (la pièce a été créée le 4 février 1944). Anouilh, certes conservateur et quoique caractérisé par une forme de distance ironique, est lui-même déchiré par ce conflit entre deux légitimités (celle d’Antigone et celle de Créon), qui s’avéra aussi être un conflit de générations.
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