Retour en Grasse
«Il fallait un lieu où les parfumeurs puissent se déconnecter et se ressourcer.»
de la parfumerie. Pourtant, ces dernières décennies, elle n’en avait plus que quelques beaux restes. Dont les patrimoniales maisons Fragonard et Molinard, qui ne se sont jamais détournées de leurs alambics et qui cultivent, toujours avec autant de délicatesse que de fantaisie, leurs racines provençales. A l’initiative de Jacques Polge, Chanel y a noué, en 1987, un partenariat exclusif avec la famille Mull pour la culture de cinq fleurs – la rose de mai, le jasmin, l’la tubéreuse et le géranium –, oblige! Plus récemment, après avoir restauré en 2016 le château de la Colle Noire, qui fut la résidence d’été de Christian Dior, LVMH a installé les ateliers de création de siècle, qui abrite l’une des quatorze fontaines de la ville, d’où son nom, Les Fontaines parfumées. Grasse revient en grâce, d’autant qu’en 2018, après dix ans de procédures et de lobbying, ses savoir-faire ont été inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Ses savoir-faire? La culture des plantes à parfum, la connaissance des matières premières et leur transformation, et l’art de composer les parfums. Toutefois, quand on arrive sur les hauteurs de la ville, il ne faut pas s’attendre à voir des champs de fleurs à perte de vue, ni à ce que l’air embaume sa célèbre rose. Les parcelles sont aujourd’hui totalement engoncées dans un tissu urbain dense, et c’est dans un lotissement de banlieue que la société International Flavors and Fragrances (IFF) ouvre, cette année, son Atelier du parfumeur. N’empêche… En 2017, le numéro un mondial de la composition rachetait la société de création de parfums fondée par le parfumeur Pierre Bourdon, Fragrances Ressources. raconte Sabrya Meflah, directrice générale Parfumerie Fine Europe, Afrique, Moyen-Orient. Il lui a fallu deux ans pour convaincre le Et innover. Chose faite, l’Atelier du parfumeur est une résidence d’artistes… pour parfumeurs. made in Grasse, poursuit-elle. Ce qui ne veut pas dire que l’équipe des parfumeurs d’IFF a déménagé de Neuilly à Grasse. précise Sabrya Meflah. Voilà qui marque une véritable inflexion dans le fonctionnement de cette industrie phagocytaire de talents. Voilà qui remet aussi la création au centre du parfum, qui lui redonne du sens, et offre (enfin) aux parfumeurs la possibilité de se faire entendre. Ce changement est sans aucun doute une conséquence heureuse de l’explosion de la parfumerie de niche. Par ses concepts originaux qui font de la composition sa raison d’être, celle-ci a poussé toute l’industrie à se remettre en question.
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