Le jeans japonais A la conquête de l’Ouest
«Les Américains font appel à l’expertise nippone pour la producion de leurs toiles.»
braguette boutonnée, cinq poches et rivets. Sur les étagères, des jeans à l’épaisse toile légèrement rugueuse s’empilent. Au mur, des icônes de la culture pop américaine peuplent des affiches à la typographie rétro. A Daikanyama, la « petite Brooklyn » de Tokyo, les grandes marques de jeans japonais dissimulent, derrière leurs discrètes façades, de véritables microcosmes empreints de culture américaine. Du jeans vintage, on en trouve toutes les caractéristiques. Et pourtant, la silhouette de l’Archipel qui pare leurs étiquettes rappelle que The Flat Head, Full Count, Warehouse & Co. et autres consœurs sont bien des fabrications japonaises. C’est avec leur look à l’américaine que les jeans nippons se sont taillé une place de choix sur le marché : les codes du vêtement façonnés aux Etats-Unis sont scrupuleusement respectés ethabillent aujourd’hui les quartiers branchés des grandes capitales, si bien que souligne W. David Marx, écrivain américain qui scrute le phénomène dans son ouvrage Le culte que l’Archipel voue au mythique 501 de Levi’s nourrit son expertise. Le Japon le découvre après la guerre. Porté par les soldats américains, le modèle incarne cette contre-culture venue d’Occident qui fait rêver la jeunesse nippone. On l’achète d’abord sous le manteau ; il rejoindra plus tard les boutiques de seconde main du pays, qui se remplissent de jeans américains des années 50 et 60. C’est l’âge d’or du blue-jeans, déclarent d’une même voix les acteurs de la scène japonaise, devant la caméra du cinéaste Devin Leisher, qui leur consacrait en 2016 son documentaire Une époque glorieuse où les traces d’usure, se souvient Kazuhiro Hanzawa, le propriétaire de la boutique tokyoïte Marvel’s Vintage. Un « bleu » bien loin de sa version Stretch bon marché que les firmes américaines fabriquent dès les années 70, en délocalisant leurs manufactures en Chine, mais aussi au Japon. En réaction à cette production mondialisée, des puristes nostalgiques vont s’appliquer à répliquer le jeans vintage de leur jeunesse. Et parce qu’ils estiment urgent de ranimer un savoir-faire oublié, ils se mettent en tête de redorer le blason des Etats-Unis en s’appuyant sur l’artisanat japonais.
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