TU L'AIMES… MOI AUSSI

Pierric Bailly fait partie de ces écrivains qui, sans réécrire toujours le même livre, recomposent les mêmes motifs dans des histoires nouvelles. On retrouve dans plusieurs invariants: le décor jurassien, les personnages issus de la petite classele thème récurrent de l’intrusion dans la vie d’autrui, de l’imposture, de la pulsion spoliatrice qui, dans et se fixait sur la paternité et le désir d’enfant. raconte l’histoire de Julien, dit John, un natif du Jura qui fait le berger l’été dans les montagnes, pour être tranquille. Il apprend par hasard l’incarcération d’Alexandre, un copain de lycée qui a compté pour lui. Alexandre a tué son voisin lors d’une rixe. Éberlué, John envoie un message à la femme de celui-ci, Nadia.  Nadia répond, ils se revoient. Et se rapprochent. Tant pis pour le couple de John, la femme d’Alexandre devient la sienne; ses enfants, les siens. Il entre dans sa vie, prend pour ainsi dire sa place… Pierric Bailly déploie ce scénario sur plus de 450 pages, sans longueurs. Le récit est construit comme une montagne: l’ascension, le pic de la liaison avec Nadia, puis la descente inexorable, leur histoire étant impossible. C’est un roman d’amour, mais aussi bien plus: un récit sur la force des liens de l’adolescence (notamment dans les régions où les adultes restent sur place, au milieu de leurs vieux copains), sur la quarantaine – passage définitif vers le versant adulte de la vie –, sur la tentation érémitique, incarnée par John. Le style, faussement facile (présent de l’indicatif, sans fioritures), faussement relâché, cache un travail soigné sur le rythme, les images, les détails qui frappent et disent tout. est un roman très réussi, souvent émouvant, promis en cette rentrée, grâce au succès du précédent, à un beau destin bien mérité.