Le Journal du dimanche

EMMANUEL CARRÈRE Pris à son propre « je »

Inutile d’avaler un café avant de se rendre chez Emmanuel Carrère, il vous en offrira un. Sa routine, un auteur d’autofiction la dépeint dans ses livres. La porte s’ouvre sur une cuisine digne d’un shooting déco, délivrant un Carrère hâlé qui installe le visiteur dans une pièce blanche du sol au plafond. C’est comme se glisser dans une bouteille de lait. Carrère propose… un café, avant de rétropédaler vers la cuisine. Les fenêtres de l’appartement, près du boulevard Sébastopol, ouvrent sur un horizon clos par des arrières d’immeubles. Aucun objet, excepté une toile bleue et grise de son amie Emmelene Landon, épouse de Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L, posée à même le plancher.

Pantalon de treillis et tee-shirt noir, uniforme bobo-zelenskiesque signant une silhouette de sexagénaire cool, Carrère s’installe sur le canapé, pieds nus sur le plancher. Au bout des orteils, des ongles roses d’enfant. Son dernier livre, V13 (P.O.L), chronique du procès des attentats du vendredi 13 novembre 2015, figure dans les meilleures ventes de la rentrée : près de 40 000 exemplaires, ce qui pour des chroniques déjà en partie publiées, dans une rude année pour la librairie, est un succès.

Si Carrère a suivi les audiences pour, c’est pour un roman consacré à une cellule djihadiste. Sur ce plan, le procès fut décevant. Comme souvent les tueurs, ceux-là n’étaient pas à la hauteur de leur crime : des personnages miteux. Carrère s’est concentré sur les témoignages de victimes. D’une clarté neutre, son écriture se prête à la chronique. La texture est fluide, rien ne freine la lecture., dit son ami et fan l’essayiste Hervé Clerc. Carrère lisse la langue, ignorant la métaphore et bannissant de son lexique les mots rares ou littéraires., dit-il. Le ton peut sembler plat, sec, peu inventif : la langue lui sert à mettre de la raison dans des séquences qui en sont dépourvues, de la logique au cœur du chaos : la folie d’un meurtrier, une catastrophe naturelle, un carnage de masse, sa propre folie…, expliquait son éditeur Paul Otchakovsky-Laurens., se souvient Emmelene Landon. Pédagogue virtuose, Carrère a l’art de vulgariser les sujets rébarbatifs ou complexes – un évangile, le crédit à la consommation, un procès.

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