À Milan Une fable sous influence
es mariages entre carpes et lapins, voilà ce qu’affectionne Federica Viero, designer haut placée dans la mode. Des mariages heureux, fastueusement célébrés, où tout et tout le monde se mélangeraient sans oeillères. Chez elle, à quelques pâtés de maisons de la gare de Milan-Centrale, les époques et les styles, les matières et les couleurs, le « bon » décrit-elle, Celui qu’elle occupe, un peu pompeux, très Lombardie des années 20, se pare d’un porche à colonnades, tandis qu’à l’intérieur, son appartement affiche encore de fines moulures au plafond, des sols en marbre à carreaux safran et des planchers patinés, abîmés ici et là – clame-telle, Voilà pour l’ossature, somme toute classique, des lieux. À partir de ce canevas, Federica s’est inventé un logis fantasmagorique, entre rêveries orientalisantes et excentricités « vieille Europe ». On pourrait supposer que son poste de cheffe du design chez Dsquared2, la griffe haute en couleur et en motifs des jumeaux Dean et Dan Caten, n’est pas pour rien dans ses goûts anti-minimalistes. On se tromperait. lodge moodboard; énumère-t-elle en experte. Aux murs, des roses, des verts et des bleus pâles. Aux sols, des kilims de Bessarabie, preuve d’un tropisme de la propriétaire pour les esthétiques de l’Est, qui s’affirme de pièce en pièce. De l’Est, voire de l’Orient: disséminées çà et là, des paires de potiches chinoises; dans le salon, un buffet laqué; dans la chambre, une commode marquetée de saynètes et de paysages d’estampes et une lampe murale en bambou et papier de riz, la fameuse des années 70, signée Ingo Maurer. Ah! la chambre de Federica… Un poème tapissé d’un papier peint tropical, comme si quelque jungle javanaise s’était emparée des surfaces. Et comme pour ajouter de la facétie à une pièce qui n’en manquait déjà pas, un cygne empaillé trône sur une banquette pendant qu’une chouette, figée dans son envol, s’accroche au dossier d’une chaise. décrypte la maîtresse des lieux. Alice au pays des merveilles. » Un où l’on croise encore, scellée aux murs de la cuisine, toute une ménagerie de papier mâché signée John Derian, ou, bien à l’abri d’une vitrine, une collection de chiens en faïence, de ceux dont on orne les cheminées dans les campagnes anglaises. De la Grande-Bretagne, Federica a connu le plus pittoresque des coins. Elle a vécu à Notting Hill, dans l’une de ces ces anciennes écuries transformées en petits cottages, dont les prix s’envolent aujourd’hui. Comme toute la faune chic-bohème de cette portion ouest de Londres, elle s’adonnait, tous les samedis, dès potron-minet, au plaisir de chiner aux puces de Portobello Road. Parmi les trouvailles de ses années anglaises, des peintures surannées, des fauteuils club, des chaises de cuisine, des babioles précieuses en pagaille, autant de pépites qui vont comme un gant aux tables basses intemporelles et indémodables de chez Dimorestudio – le duo de designers et galeristes composé d’Emilio Salci et Britt Moran, deux bons copains de la directrice de studio –, qui ponctuent l’appartement. Marier, oui. Mais aussi acoquiner, hybrider, fusionner, voilà ce qu’a su faire, le plus amicalement du monde, Federica Viero dans son chez-soi.
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