n’est qu’en 2019 qu’Haruki Murakami se fendit d’un récit, publié dans un magazine, sur sa relation avec son père ; l’inspiration lui était enfin venue d’une anecdote de son enfance, lorsque tous deux partirentce texte court est aujourd’hui proposé en version illustrée : les magnifiques planches épurées d’Emiliano Ponzi, tantôt de couleurs vives, tantôt d’un gris glaçant, renforcent l’impression douce-amère qui se dégage des souvenirs de l’auteur. Nombreuses furent les divergences de vue entre l’universitaire accompli, à la jeunesse marquée par les guerres du xx siècle, et son fils moins intéressé par les études que par l’écriture et les plaisirs de l’existence. Les deux hommes restèrent en froid deux décennies durant, jusqu’à la réconciliation maladroite de la toute fin. Murakami accepte le passé plus qu’il ne le regrette. Il lui importe désormais de comprendre au mieux l’histoire de cet apprenti prêtre bouddhiste devenu professeur respecté, aussi taciturne que porté sur le saké en privé. Certains détails resteront à jamais mystérieux : ainsi, l’invasion de la Mandchourie pour laquelle son père fut incorporé par erreur dans une unité de sinistre réputation.
