CADRER, MAIS QUAND ? Conversation autour du recadrage
Recadrer ? Moi, jamais ! Ce précepte, on l’entend tellement souvent à la rédaction que l’on s’est demandé d’où il pouvait bien venir, et s’il ne nous privait pas chaque jour de bien meilleures images... Nous avons décidé de replonger un peu dans nos livres d’histoire de la photographie et nous nous sommes rendu compte que le recadrage a été un outil essentiel dans l’élaboration des grandes images qui sont entrées dans la culture collective. Le margeur a longtemps été l’égal du viseur, permettant au photographe-sculpteur d’aller chercher la forme parfaite dans la matière brute de son négatif. Nos journalistes Julien Bolle et Philippe Bachelier recadrent ici quelques idées préconçues...
Si l’on s’intéresse à l’histoire de la photographie, on voit que le recadrage du négatif lors du tirage a longtemps été une opération banale, voire incontournable. Mais recadrage est aujourd’hui devenu synonyme de rattrapage, avec une connotation péjorative. On le fait volontiers, mais on ne s’en vante pas. L’image réussie, notamment dans l’esprit de l’amateur averti, c’est la photographie cadrée parfaitement à la prise de vue, symbolisée par le filet noir de Cartier-Bresson. Il me semble que c’est une vue de l’esprit assez récente, et on peut établir un parallèle entre sa propagation et l’émancipation de la photographie en tant qu’art – alors même que le recadrage est resté une pratique très répandue, et que la photo artistique non recadrée reste un peu l’exception qui confirme la règle. Aux débuts de la photographie, on s’évertuait à faire rentrer son sujet dans le cadre, point. On centrait bien le tout, et on ne se souciait pas de ce qui se passait sur les bords de l’image, car les négatifs étaient presque toujours recadrés au tirage à l’agrandisseur. Le négatif restait un matériau malléable qui ne portait pas une intention définitive. La photographie n’avait pas acquis ses lettres de noblesse, et le photographe n’était pas considéré comme un auteur. En photo de presse, l’éditeur recadrait l’image et la retouchait, cela va de pair, sans scrupules ni autorisation selon ses contraintes de mise en page ou selon le sens qu’il voulait donner à l’image. Et puis, à l’étape du tirage, il faut se rappeler que les formats de papier étaient petits et que l’on cherchait à utiliser toute leur surface, la marge blanche réalisée au margeur n’est venue que plus tard. De plus, les formats de négatifs et de papier étaient très variés et ne correspondaient
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