Sept

Les secrets du rapport sur les attentats du 11 septembre

Dans les sous-sols du Capitole, au cœur de Washington, il y a une salle blindée gardée par des hommes en armes et protégée comme un site militaire stratégique. Et pour cause: c’est dans cette salle que la Commission parlementaire sur le renseignement entrepose ses dossiers les plus sensibles. N’y pénètrent que les personnes habilitées à lire les documents les plus confidentiels de l’administration américaine. Il n’y a pas d’exception: pour entrer, il faut montrer patte blanche. Même quand on s’appelle Thomas Kean, et que l’on est l’un des hommes les plus puissants des Etats-Unis. Ancien gouverneur du New Jersey, Thomas Kean a été nommé en 2003 par le président George W. Bush à la tête de la Commission d’enquête sur les attaques du 11 septembre 2001. Il s’est assis devant une table sous la surveillance d’un garde. Il connaît les règles du jeu: interdiction de prendre des notes ou des photos. Il est uniquement autorisé à lire le document qu’il a demandé, et toujours sous haute surveillance.

Si Thomas Kean a accès à bien des secrets de Washington, il en est un qui lui a échappé. C’est un document de 28 pages intitulé «Découvertes, discussion et narration concernant certaines questions sensibles de sécurité nationale». Derrière ce titre relativement anodin se cache l’un des chapitres les plus explosifs du rapport de la Commission d’enquête. Explosif au point que le président George W. Bush a pris la décision de le censurer et d’en limiter strictement l’accès. Raison invoquée: la protection «des sources et des méthodes». Même Thomas Kean n’a pas pu le lire. Un comble pour le président de la Commission d’enquête sur le 11 septembre. A ce sujet, ce républicain ne se laissera aller qu’à une seule confidence: ce document doit être rendu public. Par la suite, on apprendra que les 28 pages sont consacrées aux rapports entre les terroristes du 11 septembre et l’Arabie saoudite.

Mike Jacobson et Dana Leseman, deux enquêteurs de la Commission, ont eux aussi essayé de se procurer le document.

Mike Jacobson connaît son contenu puisqu’il l’a rédigé; Dana Leseman a participé, quant à elle, à l’enquête préliminaire et à la rédaction. Mais tous les deux ne se souviennent pas de certains détails, et ont besoin de relire leur prose. Certains éléments pourraient en effet leur servir dans leurs recherches sur les connections saoudiennes des pirates de l’air. Ils adressent donc une requête à Philip Zelikow, directeur exécutif de la Commission. Pas de réponse, ils insistent. Toujours pas de réponse. Pendant ce temps, Zelikow s’est précipité au Département de la justice afin d’interdire aux enquêteurs et aux commissaires l’accès aux dossiers confidentiels de la Commission. Le Département accepte. Fin de non- recevoir pour Mike Jacobson et Dana Leseman. «Philip, comment sommes-nous censés faire notre travail si vous ne nous fournissez pas le matériel indispensable à nos recherches?» tempête Dana Leseman.

Ce n’est pas la première fois que les deux enquêteurs se heurtent au mur Zelikow. Peu de temps auparavant, ils lui avaient soumis pour approbation la liste d’une vingtaine d’entretiens qu’ils comptaient mener à propos du rôle de l’Arabie saoudite dans les attentats. «C’est beaucoup trop!» avait tranché Zelikow qui n’avait concédé aux enquêteurs que la moitié des entrevues. Les deux chercheurs avaient aussi souhaité acquérir des dizaines de documents sur le même sujet. Même refus. Dana Leseman proteste et qualifie la décision de Zelikow d’«arbitraire» et de «folle», ajoutant: «Philip, c’est ridicule. Nous avons besoin des entrevues. Nous avons besoin de ces documents. Pourquoi essayez-vous de limiter notre enquête?» Réponse de Zelikow: «Je ne veux pas accabler les organismes fédéraux avec trop de demandes de documents et d’entretiens.» Selon Philip Shenon, auteur d’une monumentale histoire de la Commission, «Leseman n’avait pas peur de Zelikow; elle n’était pas intimidée par lui. Dès son arrivée dans les bureaux de la Commission sur

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